Ils sont toujours la deuxième ligne. En France, et dans les supermarchés et hypermarchés de France, le virus continue de circuler.
Les salariés de la grande distribution ont-ils été récompensés par la fameuse prime de 1000 euros comme Bruno Le Maire le souhaitait ? Difficile à savoir pleinement qui l’a touché et quelle est la réelle proportion des salariés ayant été récompensés pour cet effort. Nous avons souhaité revenir sur les grandes annonces et essayer de comprendre qui l’avait reçu.
La prime de 1000 euros symbole de l’effort des salariés pendant le confinement
Les professionnels de la grande distribution, la deuxième ligne telle dénommée par le président Emmanuel Macron, ont été largement exposés durant cette crise liée au coronavirus. Invisible, puis dans la lumière pendant quelques semaines, le secteur qui compte parmi ses actifs plusieurs plusieurs décès, attend toujours des réponses.
Le versement de cette prime a eu un écho considérable sur les réseaux sociaux. Car afin de maintenir la mobilisation des professionnels, les patrons d’enseignes, accompagnés des annonces politiciennes, n’ont eu d’autres choix que d’annoncer le versement de cette prime pour assurer l’assiduité des salariés et de garantir le fonctionnement des magasins, qui ont été essentiels pour nourrir les Français durant le confinement.
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Dans les faits, tous les salariés ne l’ont pas encore touché et ne la toucheront pas. Avec le retour à la normale depuis le déconfinement, de nombreux salariés s’inquiètent que cette contribution à l’effort passe à la trappe.
Ce qu’en pensent les salariés
Il y a ceux qui l’ont touché. Et les autres. Sur le terrain, certains salariés semblent même avoir perdu espoir quant au versement de cette prime.
Afin d’en savoir davantage, nous avons initié un sondage Facebook afin de connaître à minima la proportion de ceux l’ayant reçu. Un premier résultat des votes (voir ci-dessous) montre une première estimation : avec près de 6500 votants, le sondage montre qu’environ 50% des salariés affirment avoir touché une prime.
Deux mois après les annonces, certains salariés sont dans l’incertitude
Deux mois plus tard, le versement de la prime fait encore gronder ceux qui n’ont pas pu en bénéficier. Car après les effets d’annonces, les enseignes ont réalisé la douloureuse facture que le versement de cette prime représentait.
Chez Auchan ce sont près de 65 000 salariés qui sont concernés. 85 000 chez Carrefour. Autant que la facture s’annonce salée s’il faut satisfaire tous les professionnels de l’enseigne, surtout dans un contexte compliqué où ces enseignes cumulent les difficultés financières.
Le versement de cette prime est sujet à de nombreuses disparités.
Au sein des enseignes intégrées
Chez Auchan, le versement de cette prime est pondéré par la durée réelle du temps de travail mettant sur le carreau de nombreux salariés qui travaillent à temps partiel. Ces inégalités de traitement font d’ailleurs l’objet d’une pétition en ligne afin de protester contre cette « trahison ». La pétition réunit déjà 20 000 signatures.
Chez Géant Casino, « il y a des règles d’exclusion sur les congés payés, les heures de récupération, tout ce qui est absences diverses sur cette période de huit semaines, du 16 mars au 10 mai 2020. Nous trouvons toutes ces règles d’exclusion déplorables » explique la CGT. “J’ai été intérimaire du 18 mars au 22 mai sans un seul jour de manqué, et il fallait être présent au 10 juin pour la toucher…” nous explique cet intérimaire de l’enseigne.
Chez Carrefour, les salariés semblent mieux lotis. Les responsables de l’enseigne évoquent que la prime est versée, quel que soit leur temps de travail effectif. À priori, l’impasse a été faite auprès des intérimaires qui recevront une prime au prorata de leur date d’arrivée.
Au sein des Carrefour franchisés, l’inquiétude demeurent également. Tous les magasins ne sont pas logés à la même enseigne : “au sein de notre Carrefour franchisé, nous avons touché une prime de 1000€ et une sur-prime de 125€ pour ceux qui ont étés là tous les jours. Seuls ceux ayant vacances ou maladie ont eu leur prime au prorata de leur présence. En revanche, rien pour ceux en arrêt Covid”.
Chez Monoprix, le versement de la prime a eu une “incidence sur la prime des congés” regrette un des employés de l’enseigne qui explique que son magasin “nous a poussés à les prendre. On a perdu nos semaines de vacances prises pendant la période du confinement” décolère ce dernier.
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Au sein des enseignes indépendantes
Le versement de la prime au sein des enseignes indépendantes est selon le patron du magasin qui décide lui-même de l’octroi de cette prime. Libre donc aux adhérents et associés de la verser. « Chaque magasin fait ce qu’il veut », explique un syndicat en dépit d’un accord signé au national.
Dans un entretien exclusif, Michel-Édouard Leclerc annonçait que “le principe de la prime a été acté et sera effectif dans la plupart des centres Leclerc” tout en complétant également que “la participation et l’intéressement existent et sont aussi des moyens de récompenser la contribution et de proposer une rémunération plus durable”.
Le versement de la prime au sein des enseignes indépendantes reste assujetti au bon vouloir des adhérents et associés. “Notre magasin nous a confirmé le versement de cette prime”, raconte ce manager, “étant donné que notre patron est indépendant, nous ne savions pas si financièrement le versement était possible. Il nous l’a confirmé que le versement serait fonction du temps de présence au magasin pendant le confinement”.
Au rayon des bonnes nouvelles, la prime va même au-delà des 1000 euros prévus témoigne cette responsable : “dans notre Leclerc : le magasin a versé 1000€ pour le personnel en bureaux, 1500€ pour les personnes qui étaient en rayon dans la journée et 2000€ pour les hôtesses de caisses”.
La promesse d’une valorisation de cette branche professionnelle
En mai dernier, la ministre du Travail Muriel Pénicaud avait émis le souhait de valoriser les métiers de ces branches professionnelles qui ont été fortement exposés durant cette crise sanitaire.
Le président Emmanuel Macron rappelait lui aussi cette nécessité de “il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays aujourd’hui tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal”.
Depuis, rien. Les syndicats sont dans l’expectative et attendent d’être convoqués. “Il faut réviser l’échelle de valeurs. Ce n’est pas seulement augmenter de 50 euros le SMIC. Il faut qu’on reconsidère complètement ces métiers en termes de formation, de qualification et (…) de rémunération” disait d’ailleurs Yves Veyrier, le secrétaire général de Force ouvrière il y a quelques semaines.
Les inégalités et les fortes disparités provoquées durant la crise font craindre une crise sociale auprès d’un secteur déjà en tension avant le confinement.
La Covid-19 continue de circuler en France
Le virus continue d’ailleurs de circuler dans les supermarchés et hypermarchés de France. À Auchan, plusieurs collaborateurs ont d’ailleurs été mis en quatorzaine à titre préventif suite à une alerte. En effet, un des employés boulangerie-pâtisserie du Auchan de La Seyne-sur-Mer a été dépisté positif au Covid-19.
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