Un tournant sociétal ou presque. La présence des sacs plastiques dans les magasins sera bientôt de l’histoire ancienne. Une saga dont le premier épisode a commencé il y a de cela déjà plus de 20 ans et dont les premières lignes ont été écrites par celui qui porte les couleurs de l’enseigne Michel-Édouard Leclerc.
Du sac en plastique au sac en jute en sortie de caisse
Dès lundi, les 721 magasins de l’enseigne E.Leclerc supprimeront définitivement le plastique en sortie de caisse. Ces sacs plastiques seront remplacés par des sacs en toile de jute « réutilisables, recyclables et échangeables à vie ». Une décision importante qui devrait permettre de supprimer « 7000 tonnes de plastique chaque année », assure l’enseigne.
Les sacs en toile de jute seront vendus au prix d’1€50. Le choix s’est porté pour ce matériau, car il s’agit d’un « sac solide réutilisable de très nombreuses fois », argumente E.Leclerc dans un communiqué.
En complément, l’enseigne envisage également de compléter cette offre de sac par des « sacs en kraft », lesquels sont « disponibles en dépannage en sortie de caisse à 15 centimes d’euro pour le modèle classique et 20 centimes pour le sac isotherme ».
L’enseigne E.Leclerc pionnière dans le combat contre les sacs plastiques
Mais avant d’en arriver à cette décision, le combat a été long. Presque 20 années que cette histoire a ouvert son premier chapitre. Déjà en 1996, l’enseigne avait supprimé de ses magasins les sacs en plastique fins dits à « usage unique ». Une décision avant-gardiste pour l’époque, 20 ans avant que la loi ne l’impose en 2016. « Mieux vaut tard que jamais ! », ironisera le patron de l’enseigne en 2015.
Aux origines du projet, il faut remonter un peu l’histoire et le premier coup de gueule télévisuel concernant l’apparition des sacs plastiques sur les côtes. C’est Antoine, le chanteur, qui poussera une soufflante au JT de Patrick Poivre d’Arvor pour dénoncer les sacs flottants en mer. On est alors dans les années 90 et les consommateurs ignorent tout de ce matériau qui met 200 ans à se dégrader dans la nature.
Un désastre écologique qui finira aux oreilles de l’adhérent de Concarneau, Jean-Michel Bordais et consorts, qui proposeront une alternative pour éveiller les consciences auprès des consommateurs.
De l’accusation de greenwashing à la volonté d’anticiper les lois
En remontant 20 ans arrière, les messages écologiques éprouvaient toutes les peines à se faire entendre. Pire ! La décision de E.Leclerc provoquait les foudres des industriels, alors qu’Auchan faisait encore la promotion de l’ensachage automatique en bout de tapis de caisse. Un autre monde.
Mais de fil en aiguille, l’idée a germé au sein du mouvement et a fini par prêcher des convaincus au changement. Cela peut paraître fou, mais E.Leclerc avait même misé à l’époque sur une campagne de communicationpour convaincre les consommateurs (mais pas que) que les sacs plastiques étaient un désastre pour la planète : « c’est vrai qu’on a été culottés et qu’on a pris de sacrés risques », reconnaîtra Michel-Édouard Leclerc quelques années plus tard.
Ce début du combat contre le plastique a 20 ans n’a presque pas perdu une ride. Les risques commerciaux et d’image étaient encore très important à l’époque. Mais le succès était là : un an après l’entrée en vigueur de cette décision, près de 9 clients sur 10 réutilisaient leur sac. Pari réussi!
La fin du prospectus, le début d’une nouvelle ère en grande distribution
Quelques années plus tard, en 2018, alors que les messages écologiques trouvent leurs audiences via le prisme des réseaux sociaux, l’enseigne anticipait cette suppression annoncée des sacs plastiques. Michel-Édouard Leclerc portait son plan anti-plastique visant la suppression des objets à utilisation unique. Ce plan draconien avait il y a deux ans l’ambition de réduire définitivement le plastique de ses magasins. Au-delà des sacs plastiques, c’était toute une panoplie d’objets qui allaient disparaître des rayons : des gobelets aux pailles en passant par les produits de pique-nique. Le message était clair : le plastique devait disparaître.
Cette annonce officielle permet à la grande distribution d’entrer dans une nouvelle ère, celle d’un monde sans plastique, démarche tant reprochée au secteur pour son utilisation massive. La grande distribution opte désormais pour les produits réutilisables ou durables.
Personne ne pourra reprocher à l’enseigne son combat pour la transition écologique (en plus de celui du prix). Certes, il y a encore du chemin à parcourir mais force est de constater que le temps des médias, des consommateurs et celui de l’entreprise sont parfois opposés.
Fort de cette annonce, les ambitions de l’enseigne demeurent affichées en matière de politique environnementale. D’ailleurs, le patron de l’enseigne proclamait haut et fort en 2018 vouloir « mettre Leclerc sur le podium européen des trois enseigne les mieux-disantes en matière de développement durable d’ici à 2022 ». À voir si cela est possible.