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Comment dynamiser le rayon boucherie en 2024 (enjeux, contexte et solutions)

Proposition de solutions pour redynamiser un rayon boucherie en quête d'attractivité.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

Les rayons métiers sont à la peine ces dernières années. Manque de main d'oeuvre et faible attractivité des métiers d'une part ; inflation, tendances sociétales et tendances de consommation d'autre part, les rayons souffrent et peinent à se renouveler.

Nous avons enregistré une série de podcast avec Yvan Riocreux-Reis, spécialiste des rayons métiers. Nous évoquons avec lui le contexte et les enjeux et proposons des solutions pour réenchanter le rayon boucherie.

Des crises successives qui ont entaché la confiance du consommateur

Le rayon boucherie souffre d'une actualité qui porte peu en sa faveur : « la boucherie, c'est un rayon qui a subi des crises permanentes, successives, les unes derrière les autres. On pourrait les dater, mais pour faire très simple, ça va de la vache folle en passant par les grippes aviaires porcines et tout ce qui peut apporter aux doutes aux clients par rapport à ce rayon lui-même, aux produits carnés en règle générale ». Des épisodes compliqués à gérer en rayon et des professionnels qui luttent pour écouter le consommateur et lui redonner confiance dans sa consommation de viande : « nous sommes typiquement sur un rayon qui fait face à un arbitrage budgétaire. C'est-à-dire que le choix de manger de la viande est essentiellement lié à une donnée financière. Si on souhaite rassurer notre consommateur, qui est pour moi le leitmotiv pour dynamiser le rayon, le terme serait vraiment celui de rassurer ou de réassurer », souligne notre invité sur le podcast.

En rayon, actuellement l'objectif « c'est d'avoir tout simplement des produits carnés de qualité, qui ont peut-être une valeur kilo un peu plus élevé, et de pouvoir expliquer cette différence aux clients. C'est vraiment le fil directeur, le fil rouge de ce rayon en ce moment ».

La tentation d'un rayon en libre-service

Dans la difficulté de redynamiser le rayon, certains magasins, souvent les magasins en dessous de 4000m2, font le choix de remplacer le rayon traditionnel par du libre-service. « Le rayon boucherie, c'est typiquement le rayon dans lequel il faut faire les choses à 100% ou ne pas les faire », explique Yvan Riocreux-Reis, « s'il y a un rayon traditionnel et qu'on veut le développer, ça veut dire qu'il faut à la fois mettre des professionnels derrière mon stand et surtout d'avoir une capacité à aller chercher la relation client avec un savoir-faire démontré », remarque-t-il. Sans ces ingrédients, « mieux vaut se poser la question de se replier et d'adapter l'offre ».

Par adaptation de l'offre, certains magasins optent pour du libre-service : « on observe des livraisons de produits de qualité avec une offre présentée en libre-service qualitatif et lisible pour le client. Cette méthode de vente a parfois plus de succès qu'un rayon traditionnel », complète-t-il.

Il ne faut pas enterrer le rayon traditionnel pour autant. Au contraire : « un rayon traditionnel, avec un bon accompagnement et une personne experte qui sera en capacité de mieux cerner les besoins du client, de proposer des solutions malignes et évidentes, apportera et portera ses fruits. C'est une certitude », optimise notre invité. Le magasin doit se donner les moyens d'y arriver : « déjà, il faut tout simplement être capable de faire une différence son rayon traditionnel et son rayon libre-service. Ce qui n'est pas tout le temps le cas en magasin. Si je retrouve exactement la même chose, avec le même niveau de qualité, les mêmes niveaux de prix, voire même à l'excès, les mêmes niveaux de qualité, mais un prix plus élevé au rayon traditionnel sans comprendre pourquoi, le consommateur va faire demi-tour, tout simplement. C'est une évidence ». Développer le libre-service et le traditionnel reste faisable. À condition de trouver l'équilibre et des axes de différenciation entre les deux entités.

Les secrets pour redynamiser le rayon boucherie

Des solutions concrètes existent pour réenchanter le rayon boucherie.

Premier axe, l'origine.

« Le premier axe de développement c'est de rassurer par l'origine de la viande », souligne notre invité, « on aura une partie de la clientèle qui sera très sensible à un phénomène local. Les locavores ou les localovores seront intéressés pour retrouver des éleveurs qui soient en mode de production dite locale. Mais encore faudrait-il déterminer ce qu'est le local », remarque-t-il, « tout le monde tend à s'accorder sur quelque chose qui serait situé entre 50 et 100 kilomètres du magasin, en fonction de la technicité du produit ». Car local ne veut pas dire que c'est forcément mieux : « il faudrait aussi sortir un peu de cette théorie pour arriver vers quelque chose qui soit d'une sincérité et d'une lisibilité plus claire pour le client ».

Deuxième axe, l'offre.

Pour développer l'attractivité du rayon, « il s'agit de savoir créer une ambiance marché et d'avoir des offres qui sortent de nos sacrosaints catalogues », ajoute notre spécialiste. Pour lui, les catalogues promos sont « très balisés et ont pour but de faire entrer le client dans le magasin. Mais une fois en magasin, que se passe-t-il dans ce rayon ? », s'interroge-t-il.

Le rayon doit pour cela proposer des opportunités journalières : «  c'est-à-dire des produits découvertes, des offres du jour, sans pour autant aller chercher un décroché prix ». 

Troisième axe, le conseil.

C'est le but même d'un rayon traditionnel : « le conseil, s'il est bien mené par le personnel, va amener une différenciation ». Cette valeur ajoutée est essentielle sur de la vente assistée comme sur le rayon boucherie. « Exemple type : j'ai un produit d'exception. Ce produit d'exception a eu un cout à l'élevage, donc il y a un cout à la vente ». Tout revient aux équipes boucherie pour apporter du conseil et assurer la vente. Le conseil permet clairement au rayon de « se différencier dans son offre, et se différencier par rapport à ma concurrence ».

Quatrième axe, l'écoute.

Cela va de pair avec le conseil. L'écoute est un levier à aller chercher en rayon : « travailler l'écoute signifie entendre son client qui, aujourd'hui, fait un arbitrage budgétaire », précise notre invité. Il faut accepter notamment qu'un client n'a pas toujours le budget à un instant T, mais celui-ci peut avoir une aisance financière plus large plus tard : « un anniversaire à fêter, une réunion de famille par exemple. Écouter c'est être capable de présenter des éléments qui soient d'excellents rapports qualité-prix pour les jours difficiles et de présenter des exceptions avec des plaisirs culinaires pour les jours de fête par exemple. Ça, c'est intéressant », rapporte Yvan Riocreux-Reis.

Cinquième axe, montrer et démontrer.

Dynamiser un rayon boucherie suppose aussi de comprendre la posture du rayon, vis-à-vis du client, et vis-à-vis du magasin : « la posture c'est tout simplement montrer et démontrer la maitrise de son savoir-faire face à la clientèle, au côté de la clientèle ». Concrètement cela signifie de « voir le geste du boucher se faire en rayon. Ça rassure le client quant à la qualité du produit ». Cela passe aussi par « des supports vidéos en rayon » et « des rencontres avec les consommateurs ».

Rendre les métiers de bouche plus attractifs

Bien sûr, l'avenir du métier lui-même ne pourra se faire sans professionnel sur le terrain. L'attractivité des métiers est un vrai sujet.

Notre invité discerne trois points clés :

  • le premier point concerne la rétention des professionnels en magasin : « nous avons des personnes qui sont en détention d'un savoir-faire et qui souhaitent vraiment l'exprimer, mais qui vont se trouver frustrer dans des rayons libre-service et le fait de ne plus voir de carcasses. Quand on est boucher, on a besoin d'exprimer à fond son geste professionnel. La clé ici c'est redonner une vision professionnelle aux métiers  ». « Les bouchers sont des amoureux de ce métier et ont un respect infini pour l'animal, avec des gestes très précis », encourage-t-il ;
  • Le second point consiste à expliquer que le métier a évolué. Si le métier garde un accent traditionnel, il a su se moderniser avec le temps : « le port de charges lourdes avec les carcasses c'est fini par exemple. Aujourd'hui, les magasins sont équipés avec des crochets, des rails qui permettent d'avoir moins de souffrances physiques » ;
  • Le troisième point concerne l'évolution de la relation avec les éleveurs : « nos éleveurs se sont adaptés avec les abattoirs, qui se sont également adaptés pour avoir des conditionnements qui sont en réponse à l'économie du nécessaire du magasin, à sa gestion quotidienne, mais également à la pénibilité sur le lieu de travail », souligne-t-il ;
  • Le quatrième point consiste à expliquer qu'un rayon boucherie ce n'est seulement un boucher qui prépare et découpe la viande seul dans son labo : « la boucherie, c'est souvent un des plus gros effectifs, notamment dans les hypermarchés », remarque Yvan, « il y a donc un travail en équipe qui est là, avec une vraie complémentarité. Il faut inclure également que le rayon boucherie c'est plusieurs métiers : les laboratoires avec la préparation de la viande, le stand avec le service du rayon traditionnel ou le libre-service pour l'exposition des produits. Il y a aussi la relation client, c'est un des rayons sur lesquels il y a le plus de questions puisque c'est un des prix kilo les plus élevés, qui demande une technicité de préparation du produit à la maison, du temps de cuisson, sans compter les questions sur les races de viande, sur les modes de production » ;

En somme, le métier de Boucher se veut très riche. « Il commence à nouveau à attirer, et tant mieux », s'enthousiasme notre invité. « C'est un métier qui s'est réinventé ». Le métier a amélioré son image grâce aux émissions de cuisine télévisées, des blogs et des sites internet. C'est plutôt intéressant.»

Métier

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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