Bac+5 ne rime pas forcément avec emploi qualifié. Les études ne sont plus un tremplin vers le métier de ses rêves. À défaut de ne pas trouver l’emploi idéal, certains – certaines majoritairement – se résolvent à travailler dans des métiers pour lesquelles ils n’avaient pas d’attirance : c’est le cas notamment de celui de caissière.
Historiquement, la grande distribution embauche des métiers peu qualifiés pour les tâches essentielles à son fonctionnement. Quand on pense grande distribution, on pense mise en rayon et passage en caisse. Si le secteur regorge de métier, on retient souvent ceux-ci.
À défaut, le secteur emploi à tour de bras, des postes qualifiés comme pas qualifiés du tout. Nombreux commencent d’ailleurs leur carrière par un job d’été, un job étudiant… et finissent par se résoudre à prolonger la durée de leur activité au sein du supermarché dans lequel ces professionnels gagnent leur vie.
La grande distribution n’attire jamais au premier abord. Et pourtant des vocations se créent.
Caissière et diplômée, un oxymore pour les clients
Un récent tweet a mis en lumière les clichés qui règnent autour de ce métier. Cette remarque est synonyme «d’un mépris social et économique », peut-on lire en commentaire. L’étudiante en question a partagé une remarque qu’un client lui fait alors qu’elle s’est permis de lui répliquer à un sujet de société. Sous prétexte de sa position professionnelle, la cliente s’est permis de lui répondre par un « Vous en savez quoi? Vous êtes caissière ».
Des remarques comme celles-ci, elles sont des centaines à les subir, voire des milliers. Un autre internaute répondra que « le seul truc en dessous de caissière, c’est SDF », pense-t-il, avant de compléter en visant des managers et employés, que « le mépris se fait presque aussi au sein même de l’entreprise… »
https://twitter.com/MarieAlbrichsls/status/1288213007080861703
Diplômées, le métier de caissière est devenu pour elles un choix
« Les caissières sont diplômées et plus que ce que l’on croit ! », commente l’une d’elles que nous avons interrogées.
La première d’entre elles a un « bac + 3 Diplôme de Comptabilité Gestion », et affirme qu’elles n’étaient là « que pour l’été ».
Une autre « bac +4 audiovisuel », et raconte faire ce métier depuis « 19 ans ». Une « Licence d’histoire et bientôt 12 ans de GD. J’ai commencé en contrat étudiant… », concède cette dernière.
D’autres encore : « bac + 3 et une Licence en psychologie », « un bac+4 en marketing », « bac +5 géographie environnement ». D’autres vont plus loin avec « un bac+8», tout en regrettant que « personne ne veut m’embaucher, car trop qualifier ».
Elles ont toutes un point commun : celui d’être diplômées. Ce sont majoritairement des femmes. Toutes ont un diplôme. Toutes ont des ambitions, un job de rêve. Le constat parmi elles est souvent le même : « j’ai un bac +5. Suite à un déménagement sur la Côte d’Azur, j’ai cherché 6 mois un job dans ma branche. À défaut d’en trouver et comme il faut bien gagner sa vie… me voilà caissière », raconte cette jeune femme.
Caissière, probablement le post le « plus difficile » en grande distribution
Difficile toutefois à concevoir ce métier comme un choix. Avec le temps, « on accepte » raconte l’une d’elles, «il n’y a pas de sous-métiers comme on dit ».
« Heureusement qu’il y a des hôtesses de caisses », raconte l’une d’elle, « c’est probablement le poste le plus difficile en grande distribution. On en prend plein la tronche tous les jours », regrette-t-elle.
« Si les clients savaient leurs niveaux de diplômés, ils finiraient peut-être par les respecter un peu plus », raconte amèrement une autre salariée. « On aura toujours besoin de caissière », explique une hôtesse de caisse, bien consciente de la menace qui pèse sur le métier.
L’avenir du métier de caissière s’assombrit
Et c’est là que les sourires s’effacent. À la question, comment voient-elles leur avenir, les doutes demeurent. Derrière les sourires et la volonté de bien faire, elles sont toutefois pessimistes quant à leur avenir. Le métier de caissière s’inscrit en pointillé pour certaines.
« L’avenir des caissières devient compliqué », explique cette salariée d’un magasin Géant, « chez nous, on développe de plus en plus les caisses automatiques et on incite de plus en plus les clients à les utiliser », explique-t-elle.
Même constat pour cette salariée d’une enseigne spécialisée : « malheureusement avec le déploiement de technologies comme les puces RFID, les hôtesses de caisse ont un avenir incertain ». La technologie, l’automatisation font partie des éléments qui menacent le métier à court terme.
Pour d’autres, la stratégie des hypermarchés à supprimer ces métiers est une aubaine pour le commerce de proximité : « pour les commerces de proximité, le fait que les hypermarchés basculent progressivement en caisse automatique, c’est clairement une aubaine », s’enthousiasme ce responsable de magasin, « on récupère énormément de clients qui cherchent un peu d’humanité et de reconnaissance… »
Néanmoins, si les magasins se vident de leurs hôtesses, d’autres secteurs du magasin recrutent : « des reconversions sont possibles », explique ce chef de caisse, « si les caissiers et les caissières sont derrière un écran aujourd’hui, ils seront peut-être dans une réserve Drive demain, ou encore au volant d’une petite camionnette pour livrer à domicile », explique-t-il.