« La grande distribution ne produit plus rien ». Dans l'imaginaire des consommateurs, nombreux pensent que les magasins se contentent de distribuer des produits. Or, nombreux sont encore ceux qui cuisinent, préparent des produits directement sur place. D'ailleurs, de nombreux magasins recrutent souvent des professionnels de la restauration pour diriger leur rayon métier. C'est le cas notamment du rayon traiteur.
Avec notre invité, nous allons comprendre à travers ce podcast les enjeux, le marché et les tendances de consommation autour du rayon traiteur.
Un levier de différenciation et un marché porteur
« Cuisiner, c'est devenu un levier différenciation entre magasins », souligne notre spécialiste, « on a des magasins qui cuisinent et fabriquent eux-mêmes, ce n'était pas forcément le cas il y a quelques années ».
Le rayon traiteur, qui regroupe aujourd'hui la charcuterie, la fromagerie et le point chaud, est un marché porteur.
Selon notre expert, l'analyse de ce rayon se fait en deux axes :
- de 1, « il s'agit du rayon où nous avons le plus d'appellation, de labellisation et de signe identitaire forts d'une culture franco-française en termes de consommation », indique notre expert. Fortement ancrée dans son territoire, l'offre du rayon traiteur est un enjeu clé pour les points de vente ;
- de 2, « le deuxième fil directeur, c'est un rayon où le leitmotiv, c'est vraiment l'accompagnement, puisque pour plus de 80% des cas, le rayon charcuterie et fromagerie, ces deux rayons sont regroupés ». Sur ce 2ème point, la vente assistée est essentielle aux performances.
Côté chiffres, le rayon traiteur est en forte croissance : « on parle même de croissance à deux chiffres pour le point chaud avec des progressions autour de 12 à 15% », résume notre spécialiste Yvan Riocreux-Reis, « ces progressions sont portées par l'offre snacking notamment ». Depuis le Covid, « il y a eu un vrai rebond », poursuit-il.
Le fil rouge du rayon : l'accompagnement
Le rayon traiteur se démarque fortement par son accompagnement. Véritable fil directeur et vecteur de performance, la vente assistée se présente comme la pierre angulaire du rayon : « on a des clients qui ont besoin d'être rassurés, d'avoir un interlocuteur fiable », confirme notre expert.
Autre élément clé, c'est un rayon où le client « peut adapter ses quantités » car contrairement à ce qu'on peut penser « quand vous vous servez au rayon traditionnel, vous payez moins cher qu'en libre-service du rayon produit frais, le conseil en plus », résume-t-il.
Toutefois, la polyvalence est de rigueur dans ce rayon et ce n'est pas toujours simple à régler. Cela peut détériorer la qualité du conseil : « traditionnellement, quand on se situe en tant que client, et que nous sommes accompagnés et servis par un vendeur sur ce rayon, nous ressentons assez rapidement si cette personne est plutôt du côté fromage que du côté charcuterie », explique-t-il. La grande distribution a « un vrai effort à faire en termes d'accompagnement des équipes pour pouvoir leur donner ces doubles compétences et répondre à ce besoin de la clientèle, avec une ligne directrice dans l'explication du choix ».
Fidéliser les professionnels du rayon traiteur
Sur ce rayon métier, de nombreux professionnels de la restauration ont rejoint la grande distribution. Ne pouvant plus travailler en restaurant, ils sont venus dans les magasins, mais « beaucoup sont repartis », explique notre expert « à cause des systèmes de rémunération, attiré notamment par les pourboires qui n'existent pas dans en magasin », relève-t-il : « il y a une vraie réflexion à avoir sur ces rayons-là traditionnels. Certaines enseignes ont essayé de faire des accompagnements par des codes vendeurs, pour pouvoir justement avoir des primes par rapport à une variable sur les salaires. Il y aurait beaucoup à dire en disant qu'il pourrait être fait dans cette partie-là », détaille-t-il.
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Optimiser la préparation et son offre pour attirer une nouvelle clientèle
Le rayon traiteur demande un travail de préparation important en amont. Entre la découpe, le préemballé, c'est un travail colossal à réaliser. Ce travail soulève de nombreuses interrogations pour notre spécialiste. Par exemple, « pourquoi emballer du fromage le matin et faire des portions qui soient systématiquement identiques ? En faisant cela, on se prive d'un choix porté à la clientèle, on se retrouve avec des parts de fromage qui ont toute la même valeur en euros, les mêmes grammages et n'ont aucun intérêt. À l'inverse, je retrouve des non-sens économiques, des barquettes de fromage à 1€20. On a pour plus cher d'emballage que de fromage. On a un vrai souci sur cette exposition à la vente et parfois des rayons qui font des doublons », explique-t-il. Aussi, les magasins ont un travail à faire sur l'offre : « c'est un peu dommage de ne pas réfléchir à solliciter une offre qui soit un peu différente » pour attirer une nouvelle clientèle explique Yvan.
En parallèle, le point chaud est un segment porteur du rayon : « c'est une partie qui est vraiment à part, qui est dénommée historiquement "point chaud" dans laquelle on pourrait aussi inclure la rôtisserie ». Cette partie du rayon est « outil marketing phénoménal par un marketing olfactif évident ». Mais là encore, il y a des ajustements à faire : « le rayon est parfois géré avec un temps d'avance ou de retard. Par exemple, on observe des cuissons de poulets très tôt le matin et à 11h, au moment où je pourrais solliciter l'appétit de mes clients, ça ne sent plus le poulet rôti en magasin. C'est un peu dommage. Cela pourrait se corriger en s'équipement d'une cellule qui permet d'avoir un maintien au chaud, de répondre aux obligations légales et d'apporter un côté vivant et démonstratif à une partie du rayon qui devrait quand même être un des cœurs du rayon produit frais. C'est ça qui est compliqué », détaille-t-il.
Ce « point chaud » est un levier intéressant et nécessite de travailler son offre : « au-delà des pizzas, il y a toute la suite logique, avec évidemment des familles de fougasse, par exemple. Les rayons doivent aussi sortir du sacrosaint poulet rôti pour aller vers des jambonneaux, des jambons, d'autres produits de rôtisserie qui sont très sympathiques. Ils peuvent apporter des éléments de différenciation. L'idée de ce « point chaud », c'est d'aller chercher des signatures inspirées de la cuisine, de plats signatures, des recettes signatures. J'ai vu des choses très intéressantes dans de nombreux points de vente. La pizza de la semaine, qui a pu aussi être un joli petit clin d'œil par rapport à l'équipe ».
Du côté de la fromagerie, les équipes doivent encore de professionnaliser. Sur le fromage « les clients ont besoin de découverte, c'est un des rayons où le client a une très bonne base de connaissances, parce que la France et les fromages, c'est un mariage évident », explique notre expert. Cela passe par « des opérations thématiques sur des fromages étrangers, par exemple. J'ai vu de très belles progressions et de belles choses faites sur la découverte des fromages anglais ». Sur ce rayon, le conseil est essentiel : « sans rentrer dans des choses trop techniques, dire qu'un produit de Savoie se marie bien avec un vin de Savoie ; qu'un magret du Sud-Ouest va bien avec un vin du Sud-Ouest... Ces discours-là rassurent les clients », précise notre spécialiste.
Le réemploi et les emballages, l'autre sujet clé du rayon traiteur
Pour finir sur cet épisode, on revient également sur un sujet parallèle, celui de la consigne et du réemploi : « c'est un modèle viable et je pense qu'on a franchi un cap », souligne notre expert, « on commence à voir cette phase de ritualisation, c'est-à-dire que, certes, sur une faible partie de nos consommateurs, mais qui ritualise le geste et qui en arrive à avoir de premiers résultats ».
En somme, le rayon traiteur est un rayon en pleine croissance. Celui-ci doit se renouveler, de moderniser et encore plus se professionnaliser pour améliorer l'expérience client.