Travailler jusqu’à s’en rendre malade, c’est une situation dans laquelle de nombreux salariés se retrouvent confrontés. On appelle ça le burn-out. Les professionnels des magasins, comme dans d’autres secteurs d’activités, n’y échappent pas.
Pression, stress, surmenage, charge mentale… les raisons pour évoquer le burn-out sont multiples. Ce syndrome reconnu comme maladie professionnelle est une situation dans laquelle un salarié vit un profond épuisement professionnel. Cette situation provient aussi bien du contexte professionnel, mais implique aussi une situation personnelle. Une sensation douloureuse qui nécessite un repos, parfois long, avant de reprendre le travail normalement.
En grande distribution, le rythme effréné, surtout ces derniers mois, la pression, le stress, la relation avec les clients sont autant de situations mettant à mal les nerfs des professionnels. Nous avons rencontré plusieurs professionnels qui racontent leurs situations.
Des périodes absences de plusieurs mois pour récupérer d’un burn-out
Les nombreux témoignages reçus nous ont expliqué la nécessité d’avoir une absence prolongée pour se remettre pleinement d’un burn-out : « pour moi, ça a duré 1 mois », explique un salarié, « c’est venu suite à un changement de direction très autoritaire qui passait son temps à remettre en question notre travail. Cela m’a mis très mal au point qu’en seulement j’étais traumatisé de venir au travail ».
Pour d’autres, la situation peut nécessiter des périodes de repos de plusieurs mois : « j’en ai fait un, je suis resté en arrêt pendant 7 mois et je m’en suis sorti », explique cet employé. Même arrêt de longue durée pour cette salariée : « suite à un burn-out, il m’a fallu un an d’arrêt pour dépression nerveuse ».
Pour les cas les plus graves, les périodes peuvent être encore plus longues : « cela fait 1 an et 3 mois d’arrêt et je ne vois toujours pas la fin… », s’attriste cette salariée.
Stress, insomnie, perte de confiance en soi… les conséquences terribles du burn-out
Quand on parle de burn-out, on parle rarement des professionnels en grande distribution. Pourtant, ils y sont très exposés : « j’ai fait un burn-out au point de ne plus dormir, j’étais en stress permanent de jour comme de nuit, je ne mangeais plus », explique cette salariée qui raconte comment son burn-out a nui à sa confiance en elle. Pour elle, le burn-out est arrivé suite à « un changement de direction ».
La crise sanitaire n’a pas non plus facilité les choses. Le rythme effréné de ces derniers mois a eu raison de certains professionnels : « j’ai fait un burn-out en février 2019 et un autre en septembre 2020. Les derniers mois avec le surcroît de travail ont empiré le stress. J’ai été arrêté 2 fois avec 6 mois d’arrêt prescrit. Je suis suivi par un psychiatre tous les mois. Je suis sous antidépresseur et anxiolytique. Mon médecin traitant a requalifié ses symptômes en ALD. La CPAM m’a mis en invalidité catégorie 1 depuis mars. Je peux poursuivre mon travail, mais plus à temps plein en raison des traitements et de mon état de santé jugé trop fragile », se désole cet employé.
Expérience similaire avec ce responsable d’un rayon boucherie : « j’en ai fait un qui a duré 6 mois en boucherie. Depuis je me suis promis de ne plus vivre aucune pression de la part de mes fournisseurs et de ma direction », reconnaît-il, « j’ai changé de caractère, je suis devenu celui que personne n’a envie de déranger. Je reste professionnel, mais je protège des autres et je ne m’en porte pas plus mal », complète-t-il.
Nouvelle direction, plus de responsabilité, stress constant… des burn-out aux raisons multiples
Des cas comme eux, ils sont des dizaines malheureusement. Ces burn-out ont des causes multiples. « Mon burn-out fait suite à l’arrivée d’un nouveau responsable qui nous a tous rabaissés et modifié toute notre façon de travailler », s’alarme cet employé, « tout est devenu anarchique et la moindre chose est devenue compliquée. il fallait tout lui justifier », s’invective-t-il. Depuis, le manager s’est « fait virer à la fin de sa période d essai », mais « il a détruit toute l’équipe en seulement quelques semaines ».
La raison est sensiblement la même pour cet employé de rayon : « mon burn-out n’était pas lié à mon travail que j’adore, mais à cause de mon manager », souligne ici un autre salarié, « c’était un manager qui était constamment à mes côtés pour un oui ou pour un non. Il se servait de nos failles pour nous mettre la pression. J’ai été arrêté 1 mois et demi ,et on m’a changé de magasin », ajoute-t-il tout en reconnaissant qu’il était toujours fragile dans son comportement ».
On retrouve une situation similaire ici avec cette employée : « il y a 12 ans de cela, j’ai connu un responsable qui me mettait une pression de dingue comme si je n’étais qu’une jeune novice dans le métier », raconte-t-elle tout en expliquant avoir démissionné dès les premiers symptômes du burn-out.
Un autre salarié nous raconte son burn-out suite au harcèlement de son manager : « mon burn-out a brisé ma vie : perte de confiance, famille détruite, carrière stoppée », mais ne changerai pas pour autant le secteur pour lequel il travaille : « malgré cette période difficile, j’ai toujours beaucoup de plaisir à travailler avec mes collègues. C’est eux mon premier soutien aujourd’hui ».
Le burn-out peut aussi provenir d’un malaise dans son quotidien. Des fois, pour palier au turn-over, au manque de personnel, certains salariés sont ballotés au point de ne savoir où est leur place : « j’étais au bord du burn-out le jour où je ne pouvais plus subir la pression constante », commence par nous expliquer cette employée, « j’étais souvent toute seule. On me mettait dans un rayon, puis un autre le lendemain. Je faisais des horaires très irréguliers pour palier les absences. Je l’accepte, car j’aimais mon travail. Sauf que cette situation de fatigue m’a valu un accident de travail pour cause de coupure au cutter à la cuisse. C’est là que j’ai senti qu’il fallait dire stop ».
Quelles solutions quand on connaît un burn-out en grande distribution
Pour certains la solution pour éviter le burn-out c’est la démission. Une décision souvent lourde et difficile, mais nécessaire à en juger leur mal-être : « j’ai fait un burn-out qui a mis en péril ma situation personnelle. J’ai décidé de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Peu importe les conséquences, la santé physique et mentale passe avant tout, c’est la priorité », reconnaît cette employée tout en expliquant comment elle s’en est sorti : « quand j’ai senti que je commençais à flancher, j’ai démissionné. Un soir j’ai écrit ma lettre. Le lendemain je l’ai amenée à ma chef en mains propres. Et en même temps que je suis partie, j’ai rendu mon appartement, j’ai déménagé, et j’ai complètement changé de région. J’ai décidé de repartir complètement à zéro, je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais. 1 an et demi plus tard… Aucun regret ! ».
Même constat chez cet employé qui a préféré « quitter les “gros bateaux” » – comprenez les hypermarchés – pour se diriger vers des magasins à taille humaine : « je travaille aujourd’hui en proxi. Les avantages sont moins nombreux, le salaire moins important, mais j’ai un rythme de vie qui me convient mieux ».
Pour d’autres, le remède consiste surtout à gérer son équilibre pro/perso : «ce qui m’a sauvé du burn-out, c’est je pense ma nouvelle organisation de vie après mon travail. J’essaie d’avoir des activités à côté pour déconnecter au maximum », explique ce manager.
Pour ceux qui pensent que l’herbe est plus verte ailleurs, d’autres salariés s’enthousiasment de travailler en grande distribution, comme l’explique ici l’une d’elles : « moi le burn-out je l’ai connu dans la restauration. Pas de vie, pas d’ horaire, pas de jours fériés payés doubles, pas de Noël, pas de Nouvel An, pas de vacances quand je veux, pas de 13e mois et pas d’ heure sup payées ou récupérées. Je n’ai pas vu ma fille grandir », regrette cette ancienne serveuse. Aujourd’hui en grande distribution, elle reconnaît « avoir plus de temps pour elle et sa famille ». Comme elle, de nombreux professionnels changent de secteurs pour la vie en magasin : « la grande distribution, ce n’est clairement pas un domaine facile, mais franchement y’ a pire », conclut-elle.