Les enseignements acquis en mars et avril dernier ne semblent pas avoir servi de leçon aux consommateurs.
Sur le carrelage, les transpalettes ont déboulé aujourd’hui pour remplir les rayons vidés. Dans les drives, les préparateurs de commande usent la gomme de leurs chaussures de sécurité pour répondre à la demande.
Les patrons d’enseigne ont pourtant appelé au calme pour prévenir. Tour à tour, Michel-Édouard Leclerc, Dominique Schelcher et Alexandre Bompard ont tenu à rassurer les Français qu’il y aura du stock dans les magasins. Seule la panique crée la pénurie. Une situation que veulent absolument éviter les patrons de magasins de peur de se faire dévaliser dans les prochains jours.
L’ambiance anxiogène règne dans les rayons
En magasin, les professionnels du secteur ont d’ores et déjà le moral touché avant même que le confinement commence. Ce matin, les scènes en magasin ravivaient des situations de mars dernier : « dès l’ouverture ce matin à 9h on avait déjà 60 personnes devant l’entrée », témoigne cette employée, « toute la matinée c’est suivi d’un monde de fou digne d’un samedi avant les fêtes. Et là les gestes barrières n’existent plus », regrette-t-elle en racontant comment elle a vécu de journée.
Le constat est sensiblement le même selon les départements les plus concernés par l’épidémie et force est de constater que les clients n’attendent pas les annonces du président Emmanuel Macron pour anticiper leurs achats. Ces achats de paniques auraient même commencé déjà plus tôt dans le mois comme expliquent les ventes de +30 sur les pâtes en octobre et +20% sur le papier toilette sur la même période : « ce matin j’ai à peine façadé mes rayons pâtes et farines ce matin qu’ils ont été démontés au bout de 2h », explique une autre salariée.
Heureusement, certains départements ont, semble-t-il, été épargné pour le moment. Les scènes de forte fréquentation contrastent avec des scènes moins inquiétantes selon les départements : « on a eu beaucoup de monde aussi. Mais le contenu des caddies n’était pas aussi aberrant que lors du confinement », tempère ce manager d’une enseigne.
Les drives déjà pris d’assaut
En magasin, la ruée des clients s’est montrée moins inquiétante que les professionnels du secteur l’annonçaient.
En revanche, s’il est un service qui a tourné à plein régime aujourd’hui c’est bien celui du drive. Les sites ecommerces des enseignes ont été pris d’assaut par les consommateurs. Des comportements irresponsables restent encore marginaux, mais ils existent : « j’ai encaissé un couple avec 2 caddies, 25 kilos de farine, 15 kilos de pâtes, 4 énormes paquets de papier toilette et 15 boites de 12 œufs… », déplore cette préparatrice de commande.
En se connectant sur les sites ecommerce, plusieurs internautes ont signalé des sites en maintenance et des créneaux pleins : « nous avons des commandes à perte de vue », concède ce préparateur chez Course U, « avec l’ensemble des créneaux déjà saturés ».
Même confirmation dans un Leclerc Drive : « on est plein jusqu’à demain aprèm », précise-t-il, « on est obligé de refaire comme en mars en fermant le site et en ouvrant les slots le soir pour le lendemain ».
Le comportement des clients, vecteur de fatigue et de stress
Cette forte fréquentation dans les magasins et dans les drives n’est pas sans conséquence sur le moral des équipes. Le comportement des clients est à déplorer. Nombreux sont ceux encore à dénoncer « l’inconscience de certains ».
Car derrière des caddies pleins à craquer se cache des comportements individualistes et irrespectueux envers les professionnels du secteur : « l’agressivité, les incivilités, les impolitesses… pour eux nous sommes de la m**** ! », décolère cet employé à cran.
Ces cas de figure sont nombreux. La panique ne fait qu’amplifier ces mêmes comportements : « plusieurs ne veulent plus suivre les règles sanitaires. D’autres pensent qu’en portant le masque, les autres règles s’annulent », décrit cet autre employé.
Des équipes en magasin sous-tension
2020 laissera des traces. L’impact d’un second confinement risque d’entamer encore plus la fatigue des équipes. « Les absences sont déjà nombreuses suite à des cas Covid chez nous », explique cette responsable, « cela crée une surcharge de travail pour des équipes déjà largement sollicitées depuis des semaines ».
La fatigue est le mot qui revient le plus pour décrire l’état d’esprit dans lequel il se trouve: « je suis épuisée, je ne tiendrais pas un deuxième confinement », annonce déjà cette employée. « C’est une année épuisante moralement et physiquement. Il faut tenir bon » encourage un confrère.
« C’est impressionnant comme j’ai le visage marqué. J’ai des cernes noirs que je n’avais pas avant. Quand je me compare à des photos du début d’année, j’ai envie de pleurer », raconte cette salariée.
Les plus de 600 000 salariés du secteur (sans compter les producteurs et transporteurs) risquent fort de vivre des jours difficiles. Pour ces nombreux professionnels de la première et seconde ligne, comme au précédent confinement, ils seront au front avec courage pour assurer l’approvisionnement des rayons, accueillir les clients, préparer leurs commandes.