Le marche du textile subit des mutations profondes. Concurrencé par de nouveaux acteurs, dont ceux de la fast-fashion (Shein, Temu), le marché cherche de nouveaux leviers de visibilité et de croissance.
Ces dernières années, un marché se porte bien. Celui de la licence. Les licences de personnages et de marques sportives apparaissent aujourd'hui comme des leviers de croissance majeurs. Pour mieux comprendre cet univers en plein essor, nous avons échangé avec Emmanuel Assouline, Chief Operating Officer (COO) chez Sun City, acteur clé du marché des licences en grande distribution. En marge du salon Cobrandz qui aura lieu début le 3 et 4 avril, il revient sur les tendances du secteur, la dynamique du licensing et l'importance du marketing et de l'innovation.
Le marché de la licence en pleine expansion
Si le secteur du textile a connu des difficultés structurelles depuis une dizaine d’années, le marché des licences affiche quant à lui une croissance soutenue interpelle notre invité : « Kantar, pour la première fois, a sorti une étude en septembre 2024 qui démontre que c’est un marché en progression. Le marché de la licence de personnages a progressé de 13 % entre 2019 et 2024 ».
Cette dynamique repose sur plusieurs moteurs, notamment les cycles de popularité des franchises :
« Le marché est aujourd’hui fortement drivé par Disney, notamment par Lilo et Stitch, qui a réellement le vent en poupe en 2025 avec la sortie du film le 21 mai. Mais d’autres licences connaissent aussi un regain d’intérêt, comme Pokémon ou Hello Kitty ».
En parralèle, les licences sportives ne sont pas en reste. Le calendrier des grands événements joue un rôle crucial dans la demande : « on a une Coupe du Monde de football en Amérique du Nord l’année prochaine, après avoir vécu une Coupe du Monde de rugby et les Jeux Olympiques en France. Ces événements créent une forte dynamique sur le marché du sport », insiste Emmanuel.
Pourquoi le consommateur plébiscite les licences ?
Dans un univers ultra-concurrentiel, les licences sont un gage de réassurance et de valeur ajoutée pour le consommateur : « Quand les consommateurs achètent une licence, il y a une logique de création de valeur. Face à un marché textile chamboulé par des acteurs comme Shein et la seconde main, la licence permet aux enseignes de se différencier ».
D'ailleurs, au-delà du produit, c’est l’expérience client et la connexion émotionnelle qui font la différence comme le rappelle le COO de Sun City : « on ne vend pas juste un produit à un prix donné, on vend une émotion, une aspiration. Les consommateurs achètent une part de rêve, d’histoire et de nostalgie à travers les licences ».
Ce marché, les enseignes l’ont bien compris et utilisent de plus en plus les licences pour fidéliser leur clientèle :
« Travailler une licence, c’est recruter de nouveaux clients et fidéliser les actuels. C’est une véritable arme marketing pour les distributeurs ».
Le rôle de Sun City : un facilitateur pour les enseignes
Sun City joue un rôle clé dans le développement des licences, en s’occupant de tout le processus, de la création produit au marketing : « nous avons 17 personnes qui travaillent sur la création des collections et sept personnes dédiées au trade marketing. Notre mission, c’est d’accompagner les enseignes en leur proposant des offres adaptées à leur identité et à leurs consommateurs », explique notre invité.
Chaque enseigne a une approche spécifique des licences : « on ne traite pas une licence de la même manière chez un spécialiste comme Kiabi que chez une enseigne généraliste comme Leclerc ou Carrefour. L’idée est d’adapter le style et le marketing aux besoins spécifiques de chaque distributeur ».
Cette personnalisation est un levier puissant pour massifier la présence des licences en magasin et maximiser leur impact :
« plutôt que d’éclater une licence dans les rayons, on privilégie des mises en avant fortes, en entrée de magasin ou en allée centrale, pour créer un choc visuel et parler à toute la famille ».
Les défis du marché de la licence
Dans un marché en perpétuelle évolution, les cycles de popularité des licences imposent une adaptation rapide : « on est dans un secteur où il faut toujours anticiper les tendances. On travaille en amont avec les ayants droit et les distributeurs, parfois plus de 12 mois à l’avance, pour préparer les collections ».
L’innovation est également un enjeu majeur pour continuer à proposer des produits attractifs : « On a beaucoup stretché nos catégories de produits ces dernières années. Historiquement, la licence était surtout présente sur le textile enfant. Aujourd’hui, nous avons élargi à l’adulte et à de nouvelles catégories comme les accessoires, la bagagerie et le textile de nuit ».
Un autre défi clé est l’intégration des préoccupations environnementales dans le modèle de production : « On a été certifié GOTS pour le oton issu de l’agriculture biologique et GRS pour les matières recyclées. On a également développé une filière de coton régénéré, où l’on récupère des chutes de production pour les réutiliser ».
Les grands événements sportifs : des catalyseurs de ventes
Outre les licences de personnages, le sport est un axe stratégique pour Sun City. La marque est partenaire de grands événements comme les Jeux Olympiques, la Coupe du Monde de rugby et la FIFA. Emmanuel nous explique d'ailleurs qu'une « Coupe du Monde de foot, c’est un événement hors norme. La prochaine édition en 2026 sera la plus grande jamais organisée, avec 16 villes hôtes en Amérique du Nord. Les enseignes sont déjà en train de préempter leurs programmes pour cet événement ».
Sun City a également développé une division dédiée au sport, avec un expert issu de Nike, pour répondre aux attentes des enseignes spécialisées : « avant, on travaillait ces enseignes de sport uniquement lors des grands événements. Aujourd’hui, avec l’UFC ou la FFR (Fédération Française de Rugby), on installe un business plus récurrent. »
« Il n’y a rien de plus facile que de se battre sur le prix. Mais la vraie différenciation vient de la création de valeur, et c’est ce qui fait notre force »
Le rachat de Longboard : une marque en pleine renaissance
En marge de cette épisode, on est aussi revenu sur le rachat de Longboard.
En effet, en 2022, Sun City a racheté Longboard, une marque historique du surf et de l’outdoor, qu’Emmanuel Assouline connaît bien pour avoir contribué à sa création : « J’ai travaillé plus de 20 ans chez Norprotex, où j’ai participé à la création de Longboard. Quand l’opportunité s’est présentée, c’était une évidence pour moi de poursuivre cette aventure ».
Depuis, la marque a été modernisée et repositionnée : « Historiquement, Longboard était très axé surf et skate. Aujourd’hui, nous avons élargi l’offre à l’outdoor, avec des produits comme des polaires, des softshells et des parkas de ski ».
Cette diversification permet à Sun City de toucher une clientèle plus large et de s’imposer dans des segments à plus forte valeur ajoutée