Caisses automatiques : stop ou encore ?

Plébiscitée il y a quelques années, la grande distribution fait aujourd'hui marche arrière.
Caisses automatiques : stop ou encore ?

Les caisses automatiques ont envahi les supermarchés ces dernières années. Celles qui promettaient un passage plus rapide en caisse et une meilleure expérience pour les consommateurs, voient aujourd'hui des vents contraires - et ce, malgré les nombreuses voix qui s'élevaient contre cette automatisation à marche forcée.

Entre files d’attente interminables, pannes fréquentes, vols massifs et suppression d’emplois, ce modèle semble aujourd’hui atteindre ses limites. Certaines enseignes envisagent même de faire marche arrière, reconnaissant les inconvénients de cette technologie.

Témoignages avec des clients et avec des professionnels en magasin qui vivent cela de l'intérieur.

Un gain de temps illusoire et une expérience frustrante

À l’origine, les caisses automatiques étaient censées simplifier le passage en magasin, évitant aux clients d’attendre derrière des personnes réglant leurs achats en monnaie ou discutant avec la caissière. Pourtant, dans la réalité, l’expérience est loin d’être optimale.

De nombreux clients dénoncent des machines peu fiables, générant des blocages fréquents et nécessitant l’intervention d’un employé : « à chaque fois que je me sers d'une caisse auto, il y a un problème ; je suis obligé d'attendre l'hôtesse pour qu'elle vienne me dépanner. Pas sûr que j'y gagne en temps », raconte ici un client habitué à ce système de caisses automatiques tout en complétant : « les caisses automatiques sont loin d’être automatiques et autonomes. Une hôtesse doit valider pour un oui ou un non, ça bug sans arrêt », regrette-t-il.

Même constat avec un client habitué :

Les caisses automatiques se bloquent et obligent à un contrôle des caissières. Viande, légumes… n'importe quelle variation de poids d'1g et ça bloque ».

Comme eux, de nombreux consommateurs s’agacent de devoir gérer eux-mêmes des machines récalcitrantes et de finir par perdre plus de temps que dans une file traditionnelle : « moi, j'aime bien dire 'Bonjour Madame, comment allez-vous ? Merci, bonne journée.’ Ces machines qui parlent, ça me saoule ! », reconnaît un client. Une hôtesse de caisse, habituée à aider les clients sur les caisses automatiques ne peut que constater : « le pire, ce sont les portiques de sortie qui obligent à scanner son ticket pour sortir. Entre ceux qui ne comprennent pas et ceux qui forcent le passage, c’est un bazar sans nom ».

D’autres dénoncent l’absence d’un véritable avantage pour le consommateur : « on ne paye pas moins cher nos courses en faisant le boulot des caissières... » ; « Parce qu'on ne nous fait pas de remise, pourquoi devrions-nous faire le travail d'une caissière au même prix ? », s'alarment deux clients.

Finalement, la promesse d’une meilleure efficacité s’effondre face aux nombreux désagréments liés à ces caisses qui, plutôt que d’accélérer le processus, le compliquent encore davantage.

Un jour, j'étais pressé. Une caissière m’a dit : ‘Vous pouvez venir ici, je ne mords pas !’ Finalement, j’ai attendu plus longtemps qu’à la caisse automatique… ».

Une explosion des vols et des failles béantes

Si les supermarchés espéraient réduire leurs coûts en remplaçant les caissiers par des machines, c’était sans compter sur l’ingéniosité des clients pour contourner le système. Les vols se sont démultipliés, et certaines enseignes commencent à faire marche arrière face aux pertes colossales engendrées. « La grande distribution a voulu remplacer l'humain par des machines et cela se retourne contre elle », remarque une hôtesse de caisse qui n'est même pas étonnée de ce revirement : « c'était écrit d'avance ! », souligne-t-elle.

Les techniques de fraude sont variées et parfois incroyablement simples. Elles alimentent régulièrement la rubrique des faits divers : une PS4 pesée au prix du kilo de tomate par exemple. Il devient tout aussi simple de « frauder » avec des produits venant du fruits et légumes et du vrac, en changeant simplement l'étiquette.

Ainsi, les caisses en libre-service et les scanettes se révèlent être une véritable aubaine pour les fraudeurs : « Les caisses scanettes... du vol incroyable », raconte cette hôtesse de caisse, « je ne compte même plus le nombre de clients ne bipent qu’un article sur deux », remarque-t-elle.

Face à cette explosion des vols, certains supermarchés tentent d’imposer plus de contrôle, ce qui va à l’encontre de l’objectif initial de fluidification : « dans mon Monoprix, un employé doit systématiquement vérifier qu’on n’a pas 'oublié' un article, en scannant son badge avant qu’on puisse passer au paiement », explique une hôtesse de caisse. « À Leroy Merlin, ils font des 'rescan' aléatoires, un employé vide tout le sac du client et repasse tout manuellement ». Si pour le magasin cela permet de lutter contre le vol, cela offre une expérience fort désagréable pour le client - surtout si celui-ci est exempt de tout repproche.

En fin de compte, cette technologie censée réduire les coûts engendre des pertes massives et oblige les magasins à compenser en augmentant les contrôles, rallongeant encore le passage en caisse.

Un impact social désastreux

Au-delà des désagréments pour les clients, l’un des effets les plus critiqués des caisses automatiques reste leur impact sur l’emploi. De nombreux internautes dénoncent une déshumanisation du commerce et la disparition progressive des caissiers et caissières : « Je ne vais jamais aux caisses automatiques, je ne fais pas le travail d'une caissière, et surtout je ne prends pas son travail », explique ici un client. Que les caisses automatiques soient remises en question est une bonne chose remarque un autre : « Tant mieux, plus de travail pour les caissières ou caissiers. Arrêtons les machines, nous n'avons pas à faire le travail pour enrichir les magasins ». Un autre de renchérir :

L’emploi d’une machine cotise-t-il pour la maladie, le chômage et les retraites ? Moi, je préfère être face à un humain. »

Certains voient dans cette disparition progressive du personnel une perte de lien social. Le commerce rime avec humain : « c'est la déshumanisation… fini le contacts avec les clients avec les caisses auto ».

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Un avenir incertain pour les caisses automatiques

Alors que certaines enseignes comme Walmart ou Booths au Royaume-Uni commencent à retirer leurs caisses automatiques, d’autres continuent de les imposer malgré les nombreuses critiques. Mais pour combien de temps encore ?

Face à une technologie qui ne fonctionne pas aussi bien qu’espéré, qui engendre des pertes massives et qui suscite la frustration des clients, il est légitime de se demander si les caisses automatiques ont encore un avenir.

L’expérience semble prouver que ces machines ne sont pas la solution miracle que les supermarchés attendaient. Comme le résume un internaute : « la machine ne remplacera jamais l’humain, le revers est là ».=

Finalement, si le but était de réduire les coûts et d’améliorer l’expérience client, il semble que cette tentative d’automatisation à grande échelle soit un échec. Et peut-être qu’un retour à un modèle plus humain serait, paradoxalement, la véritable modernité.