Le grand défi de la déconsommation pour la distribution alimentaire

Zoom sur les effets de déconsommation dans le paysage de la grande distribution.
Le grand défi de la déconsommation pour la distribution alimentaire

En 2024, les dépenses alimentaires ont continué de chuter, marquant un recul de -1,1 % au cours des neuf premiers mois de l'année. Cette tendance de la « déconsommation », comme l’appelle Noël Zierski, pose des défis importants aux enseignes de distribution.

Dans cet entretien, Noël nous partage les causes et les formes de la déconsommation et nous partage ses réflexions sur les stratégies pour la contrer.

Cet article est le troisième d'une série consacrée aux actus fortes de 2024. On y parle du déclin des enseignes intégrées et des défis de la concentration.

Déconsommation : que’est-ce que c’est ?

La déconsommation se définit comme « une baisse des volumes achetés ». C'est une tendance marquée par des achats moindres de produits du quotidien, tels que les produits de grande consommation (PGC) et les produits frais libre-service (FLS).

Cette tendance s’est renforcée par la crise de l’inflation en 2022 et 2023, qui a entraîné une baisse drastique du pouvoir d'achat. Selon Noël :

« l'inflation a eu un impact très fort sur le pouvoir d'achat des ménages, et du coup ça a entraîné une baisse des volumes sur les produits du quotidien ».

Il distingue deux types de déconsommation : la déconsommation subie et la déconsommation choisie.

Déconsommation subie : les effets de l’inflation et du pouvoir d’achat en Baisse

La déconsommation subie est celle qui affecte directement les ménages à cause de la hausse des prix. « Les prix augmentent, le pouvoir d'achat ne suit pas, et donc on est obligé de faire des choix, il y a des produits qu'on n'achète plus », explique Noël. Ce phénomène est particulièrement visible dans les données : « Circana nous annonce moins 3,1% des volumes en 2022, moins 2,2% en 2023, et sur le premier semestre 2024, une baisse de moins 1,6% des volumes ».

Sur une période de trois ans, cela représente une baisse cumulée de -7,1% des volumes, un chiffre que Noël qualifie de « très significatif », d'autant plus que cette tendance touche des produits essentiels.

En parallèle, Noël note que la valeur des achats, elle, a augmenté de 14% en raison de l'inflation, ce qui crée un paradoxe : « On a une hausse de plus 14 % en valeur, [...] mais cela cache une baisse marquée des volumes ».

Déconsommation choisie : un nouveau comportement difficile à cerner

Outre la déconsommation subie, Noël explique l’idée d’une déconsommation choisie, en réponse à une prise de conscience plus écologique et économique.

« En réaction à une société de consommation qui existe depuis plus de 60 ans, on se dit qu’on n’a peut-être pas besoin de consommer tant que ça ».

Cette déconsommation choisie se manifeste par des choix de consommation plus mesurés et une recherche de produits durables, avec moins de produits superflus.

Ce phénomène est difficile à quantifier, car il se dissimule dans les habitudes de consommation. Noël illustre cela par l'exemple de la viande rouge, dont la consommation a diminué :

« Les volumes baissent autant parce que ça coûte cher [...] et aussi parce que les gens se disent finalement qu’on a peut-être besoin de moins de protéines animales, avec les substituts végétaux qui permettent de mieux préserver la planète ».

Un changement profond dans les habitudes de consommation

Pour Noël, les études actuelles montrent une fracture économique en France, où il identifie « trois France » :

« Il y a un tiers des Français qui n'ont aucun problème de pouvoir d'achat, un tiers qui doivent faire attention, et un tiers où c’est carrément dur, avec des foyers qui sautent des repas ou se privent de produits ».

Il rappelle que les impacts de cette déconsommation sont visibles dans des études comme celle de l'Institut Montaigne, qui a mis en lumière « une fracture alimentaire », avec « pratiquement une personne sur trois qui saute un repas régulièrement pour faire des économies ».

Les enseignes doivent, elles, faire face à ce double phénomène de déconsommation subie et choisie. Noël estime que les distributeurs doivent se préparer à cette réalité nouvelle en proposant des produits de base accessibles et en favorisant des pratiques de consommation plus respectueuses de l’environnement. Cependant, ces initiatives demandent une grande flexibilité, car, comme le souligne notre invité, « les phénomènes se superposent les uns aux autres, et il faut entrer dans le détail des marchés, des catégories pour voir ce qui se passe ».