2024 nous rapproche déjà de la fin de l'expérimentation Oui Pub. Depuis 2021, 14 territoires de l'hexagone participent au dispositif qui consiste à apposer un autocollant Oui Pub sur leur boite aux lettres pour donner son consentement quant à la réception de l'iconique prospectus papier.
Instrument phare de la grande distribution depuis plus de 30 ans, le format a vécu ses heures de gloire. La pression législative, environnementale et économique, ainsi que l'avènement de nouveaux usages numériques (réseaux sociaux, mail/SMS, publicité digitale, télé segmentée), ont poussé les enseignes à revoir leur copie et à penser autrement la comptabilité client.
Ce virage divise. Pour certains, la fin du papier s'explique comme un moyen « d'économiser les ressources ». D'autres justifient l'arrêt « par la flambée du prix du papier », selon les interrogés de notre enquête. Certaines enseignes ont pris le pari de dire stop définitivement comme Leclerc et Cora. D'autres se veulent plus progressifs et voient « le prospectus bien plus que du papier ! », comme écrivait dans une tribune Dominique Schelcher, patron de Coopérative U qui insistait sur le maintien des emplois et le lien social insoupçonné du format publicitaire.
Le prospectus papier, un format à réinventer
La digitalisation du prospectus est un process bien enclenché au sein des enseignes. Ces dernières années, on a vu fleurir des QR code sur les façades d'hypermarché, comme pour utiliser le physique comme lien de connexion vers le monde virtuel. Une façon de se rendre visible concrètement aux yeux des clients et accessoirement une façon de contrer la cécité publicitaire qui fait peur aux non-adeptes des outils numériques.
Le prospectus s'est ainsi enrichi. Désormais, il se consomme sur une application ou via une publicité soigneusement cible sur Meta.
Repenser la place du papier - et de l'e-catalogue est un sujet de fond dans les enseignes. Le prospectus papier - comme expliqué ci-dessus - est devenu un poste de dépense non négligeable. En 2021 selon le BUMP, les courriers publicitaires et les imprimés sans adresse ont généré plus d’un milliard d’euros de recettes publicitaires, soit une progression de 11,8 % après une année 2020 marquée la crise sanitaire. Selon Kantar, le prospectus faisait encore ses preuves puisqu'ils génèreraient 13 % de chiffre d’affaires additionnel.
Depuis 2023, le papier vit des heures plus sombres, mais qui ne remet pas pour autant en cause son efficacité. L'année passée, les dépenses des imprimés sans adresse et des courriers publicitaires ont chuté respectivement de 16,1% et de 7,4%. À l'inverse, les dépenses totales digitales frôlent la croissance à deux chiffres avec +9,5%.

Le mouvement du zéro prospectus tient désormais à des convictions d'enseignes. Les précurseurs ont sans doute pris de l'avance sur la digitalisation des points de vente. D'autres enseignes devraient suivre - malgré des convictions moins fortes. Le poids des uns (Leclerc, Cora) allait forcément avoir un impact sur la diminution des autres acteurs.
La place du prospectus occupe toutes les attentions. Même si « Leclerc ne reviendra pas en arrière », affirmait d'ailleurs Maël Le Moal, responsable du pôle développement durable dans un podcast sur Je Bosse en Grande Distribution, toutes les enseignes n'ont pas emboiter le pas. Certains parlent d'un « sujet est déjà acté » quand d'autres dirigeants interrogés parlent « d'un retour à la mode du papier ».
Un contexte favorable à l'abandon à court terme du prospectus papier
Nul doute donc que le contexte actuel tend vers une réduction significative de la distribution du prospectus.
Au moment où on écrit ces lignes, le rapport du Oui Pub rendra un rapport qui devrait écrire l'Histoire du prospectus papier.
Cette expérimentation Oui Pub, instauré par la loi Climat et résilience, a permis un test à grande échelle sur l'efficacité du prospectus. 14 communes/territoires français sont concernées, cela représente 2,6 millions de Français. Pour eux, la réception d'un prospectus tient au consentement matérialisé par une étiquette « Oui » apposé sur la boite aux lettres. Cette étiquette est (était) une façon de montrer son attachement à un format publicitaire qui a longtemps séduit les ménages français. Dans les meilleurs cas, selon, l'ADEME et IPSOS, le taux d'apposition dépassait à peine les 18% pour la commune de Dunkerque, zone géographique réputée comme promophile. Le Libournais et les alentours de Fougères ne faisaient guère mieux que 17,29% et 15,25% de taux d'apposition. Dans certains territoires, comme Bordeaux, on frôle les 0% (0,33% pour être précis).

Sans tirer de conclusion trop hâtive, le dispositif Oui Pub aura eu du mal à être adopté par les consommateurs. Pas conquis ou simplement pas compris, le dispositif n'a pas bénéficié des mêmes efforts selon les territoires.
La nécessaire digitalisation du prospectus
Tout cela pour dire que le numérique s'impose, comme en témoignent les chiffres du BUMP en 2023. Le premier semestre poursuit sur sa lancée avec une hausse des investissements de +14% vs 2023 et +79% vs période avant Covid.

La bascule est donc bien réelle. Portée par une guerre des prix auxquels se livrent les enseignes, les outils numériques s'imposent dans les stratégies marketing.
Ce virage impose de nombreuses questions : faut-il dupliquer l'ancien format vers le numérique ? Quels leviers privilégiés ? Comment basculer promotion de masse à une promotion personnalisée ? Le numérique impose de nouvelles réflexions.
À la question, « quels leviers privilégiés ? », les réseaux sociaux prennent une place importante. Une étude d'Havas Commerce, retranscrite ci-dessous dans cette infographie, plaçait la création de contenu comme les tendances fortes et les modèles qui redéfiniront l'avenir des entreprises. Selon plusieurs spécialistes, le marché de la création de contenu pourrait même faire x4 d'ici 2030.
Qui dit réseaux sociaux, dit aussi publicité digitale : les budgets se concentrent toujours autour de 2 grands acteurs du marché que sont Google et Meta.

Parmi les leviers sur lesquels les retailler se renforce, on retrouve aussi : les catalogues digitaux comme Bonial, Promoaccroc ; l'emailing ; le messaging ; l'audio-digital, etc.
La fin du prospectus, mais pas la fin des promotions
Tel est le message martelé par les enseignes pour rassurer les consommateurs de la fin du prospectus : « nous avons renforcé notre signalétique interne », soutient un adhérent de magasin qui a répondu à notre enquête. La plupart des magasins ont renforcé la visibilité des offres promotionnelles en magasins. Que ce soit par des allées centrales dédiées à 100% aux promotions ; des têtes de gondoles mieux réparties ; des offres journalières sur les rayons métiers. Les points de vente ont redynamisé leur commerce pour soigner leur image-prix.
Nous avons arrêté la distribution il y a un an et en axant notre communication sur "nous restons les moins chers". Un an après, nous ne voyons aucunes différences de résultats sur l'alimentaire.
Bien sûr, ce changement apporte son lot d'inquiétudes : « Les clients s'adaptent », reconnait un directeur de magasin indépendant, « cela reste très difficile en zone rurale et pour les silvers », soutient-il.
En somme, en 2024 et même après, le prospectus papier entre dans une nouvelle ère. La prochaine grande étape sera de répondre aux exigences de mesures. C'est d'ailleurs le chiffre clé qui remonte de notre enquête exclusive auprès des magasins : 70% des répondants assurent que leur principal problématique est de mesurer des résultats pertinents. La promesse de mieux tracker le parcours client via des actions marketing et commerciales doit maintenant rassurer les distributeurs quant à leur choix d'investissement. Mais ça non plus, le prospectus ne la garantissait pas.
Alors que le numérique envahit tous les aspects de notre vie, les prospectus en papier, souvent perçus comme obsolètes, continuent de résister aux tendances modernes. Loin d’être condamnés, ils demeurent un support publicitaire de confiance pour les Français, comme le révèle une étude récente menée dans le cadre de l’expérimentation du dispositif Oui Pub. Retour sur cette enquête qui met en lumière l’attachement persistant des consommateurs pour les catalogues papier.
Oui Pub : Une Expérimentation pour Limiter les Déchets Publicitaires
Le dispositif Oui Pub, lancé en 2022 dans quatorze zones françaises, vise à réduire la quantité de papier distribuée dans les boîtes aux lettres. Dans ces zones, les habitants reçoivent des prospectus uniquement s’ils affichent un autocollant « Oui Pub » sur leur boîte aux lettres, témoignant ainsi de leur désir explicite de recevoir ces publicités. L’objectif est de réduire le gaspillage de papier en limitant les impressions inutiles.
Malgré l’existence de cette option, les résultats de l’étude montrent que 54 % des résidents de ces zones souhaitent continuer à recevoir des catalogues papier. Ces derniers sont considérés comme pratiques et plus accessibles que leurs versions digitales. Pour Nathalie Grand-Clément, directrice générale de l'agence de bazar Carrefour, ce constat n’est pas surprenant : « Les prospectus sont loin d'avoir dit leur dernier mot », affirme-t-elle.
Le Papier, Toujours Préféré au Numérique
L’étude, menée auprès de 1 200 Français, révèle une nette préférence pour le support papier, malgré l’essor des formats digitaux. Parmi les répondants, 55 % considèrent les catalogues papier comme utiles, tandis que 40 % les trouvent inspirants. Pour de nombreux consommateurs, le papier reste plus accessible, facile à consulter et à conserver, là où les versions numériques peinent à convaincre. En effet, les prospectus en ligne perdent 10 points en termes d’utilité par rapport à leurs homologues imprimés.
Les Français semblent également accorder une certaine confiance aux médias locaux, prospectus en tête. Avec 58 % des sondés plaçant leur confiance dans les catalogues publicitaires, ces derniers devancent des supports comme la télévision, la presse écrite et même la radio. Ce soutien témoigne d’une relation de proximité et d’ancrage local qui se traduit par un fort attachement au papier.
Un Outil Marketing Stratégique pour les Marques
Pour les enseignes, les catalogues papier restent un canal de communication privilégié. Au-delà de leur fonction publicitaire, ils permettent de mettre en avant les offres spéciales et les remises, tout en véhiculant une image de proximité. Alors que certaines enseignes comme E. Leclerc ont décidé de réduire, voire de cesser, la distribution de prospectus, d’autres maintiennent ce support pour répondre aux attentes des consommateurs. Cette réduction des impressions a toutefois eu un impact sur les volumes de distribution, qui ont chuté de 12,1 % depuis le début de l’année, marquant une baisse historique dans le secteur.
Frédéric Presset, directeur marketing opérationnel de Carrefour, explique cette évolution : « Pour pallier la réduction de prospectus papier, nous avons complété nos dispositifs avec des campagnes digitales, notamment en télévision connectée. » Cependant, Carrefour a décidé de conserver le format papier en magasin pour ceux qui préfèrent consulter les offres en version imprimée, afin de « ne laisser aucun client au bord de la route de la promo ».
Un Sentiment de Perte en Cas de Disparition des Prospectus
L’étude met en évidence un attachement fort des Français aux prospectus, dont la disparition pourrait être mal vécue par une majorité d’entre eux. En effet, 66 % des répondants estiment que ces catalogues leur manqueraient s’ils venaient à disparaître. Même dans les zones Oui Pub, où l’accès aux prospectus est limité, les consommateurs expriment un manque d’informations sur les promotions en l’absence de publicités papier. Plus de la moitié (54 %) des résidents de ces zones affirment se sentir moins bien informés des offres promotionnelles.
Chez Centrakor, par exemple, la distribution des catalogues se poursuit dans les zones Oui Pub, car les clients en expriment le besoin et se plaignent du volume d’e-mails commerciaux jugés trop envahissants. Nathalie Grand-Clément confirme : « Même dans les zones Oui Pub, nous continuons à distribuer nos catalogues car les clients les réclament, et ils n’en peuvent plus de la quantité de mails commerciaux. »
Conclusion : Le Prospectus, Un Outil Ancien Mais Toujours Efficace
Loin d’être une relique du passé, le prospectus papier reste un support publicitaire apprécié et pertinent pour une grande partie de la population française. Bien que le numérique prenne de plus en plus de place, le papier continue de séduire pour sa simplicité d’accès et son caractère pratique. La mise en place de dispositifs comme Oui Pub montre qu’il est possible de réduire l’impact écologique des publicités papier sans pour autant se priver de ce canal de communication apprécié des consommateurs.
Alors que l’avenir du prospectus papier semble incertain face aux défis écologiques et aux nouvelles attentes digitales, il est clair que sa disparition ne serait pas sans conséquence pour de nombreux Français. À l’ère du tout numérique, le papier continue de prouver sa valeur unique, symbolisant un lien de confiance entre les marques et les consommateurs.