Vaste question, vaste sujet. La grande distribution vit sa grande métamorphose. Dans un second podcast avec Philippe Goetzmann, on s'interroge cette fois-ci sur les transformations nécessaires : entre changements démographiques, contraintes écologiques et évolution des attentes des consommateurs, notre invité du jour propose une analyse à la fois lucide et ambitieuse sur l’avenir de la grande distribution.
La grande distribution face à un modèle à réinventer
Selon Philippe Goetzmann, la grande distribution doit opérer une transition fondamentale. Le modèle traditionnel, basé sur l’augmentation des volumes et la baisse des prix, montre ses limites dans un contexte de stagnation démographique et de prise de conscience écologique.
On disait que notre métier, c'était de vendre de plus en plus d'articles de moins en moins chers à de plus en plus de clients. Mais aujourd'hui, il n'y a pas plus de clients, et nous devons agir face aux limites planétaires ».
Pour lui, il ne s’agit pas de prôner une décroissance austère, mais plutôt de repenser la manière dont les besoins des consommateurs sont satisfaits. « La question est : comment assurer la même satisfaction tout en utilisant une approche différente ? ». La réponse passe, selon lui, par une transition vers une économie de service, où les produits ne sont plus le centre mais un simple élément de la réponse aux attentes des clients. « La grande distribution doit passer d’une dimension produit à une dimension service ».
Ce qui intéresse un consommateur, ce n’est pas la machine à laver, mais que sa chemise soit propre »
La grande distribution : une économie de service
L'évolution vers une distribution axée sur les services constitue, pour Philippe Goetzmann, une opportunité majeure. Cette logique servicielle s’appuie sur des concepts innovants qui redéfinissent la relation entre les enseignes et les consommateurs. « La relation client devient essentielle, et le produit doit s’inscrire dans un ensemble plus large. Par exemple, ce qui intéresse un consommateur, ce n’est pas la machine à laver, mais que sa chemise soit propre ».
La grande distribution, forte de sa fréquence de contact avec les consommateurs via l’alimentaire, possède selon lui un atout stratégique.
« La fréquence de visite liée à l’alimentaire est une pépite extraordinaire pour les grands distributeurs, qui doivent capitaliser sur cette relation de proximité pour élargir leur palette de services ».
Cependant, cette transition vers un modèle serviciel s’accompagne de défis organisationnels et culturels. « Cela demande un changement de mindset colossal pour les équipes dirigeantes et une refonte des modèles économiques ». Il évoque également les résistances au changement, inévitables dans des entreprises profondément ancrées dans une logique d’achat et de volume. « Les freins stratégiques, psychologiques et structurels sont nombreux. Mais si la grande distribution continue de penser que son rôle est uniquement d’acheminer des produits, elle va se retrouver en grande tension ».
« Répondre aux besoins des consommateurs, c’est délivrer des effets utiles, aujourd’hui comme demain. »
Une révolution silencieuse
Cette transformation s’inscrit dans un mouvement plus large de changement de paradigme économique et sociétal. « Nous vivons une période comparable à la révolution industrielle. Le modèle de société et le modèle économique sont en train de basculer ». Pour Philippe Goetzmann, la clé est d’incuber de nouveaux modèles tout en gérant la transition avec précaution.
Les modèles de croissance de demain ne sont pas ceux qui ont fait la rentabilité des 40 dernières années. Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles ».
Ainsi, la grande distribution a une opportunité unique de se réinventer et de répondre de manière innovante aux défis actuels. Mais cela nécessite une remise en question profonde de son rôle et de ses pratiques, une évolution que Philippe Goetzmann résume par une phrase visionnaire : « répondre aux besoins des consommateurs, c’est délivrer des effets utiles, aujourd’hui comme demain ».