C'est une des conséquences aux difficultés chroniques des magasins en matière de recrutement. Le métier de manager ne fait plus vraiment rêver. Ce poste adulé par le passé, notamment par les étudiants qui considéraient le métier comme un tremplin, voit sa réputation s'effriter dans un monde du travail où les nouvelles générations recherchent davantage d'équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle.
Mais au-delà de l'attrait du métier lui-même, c'est toute une organisation qui se doit d'être repensé. Les anciens systèmes pyramidales bâtis sur une hiérarchie avec un patron, un CODIR, des managers a probablement fait son temps. L'heure est désormais à des organisations plus horizontales et des employés responsabilisés.
Dans les faits, le sujet est complexe. Les magasins reposent encore sur ce modèle organisationnel depuis plusieurs années et certaines idées reçues ont encore du mal à être balayées. Témoignages ici avec plusieurs managers dont certains aspirent à la fonction, d'autres ont choisi de faire marche arrière, d'autres s'interrogent sur la transformation du métier.
Le middle management en quête de sens
Les managers sont situés entre deux eaux : d'un côté, une équipe d'employés dont ils doivent assurer leur autonomisation ; et de l'autre, une direction qui suit les performances commerciales.
Dans ce middle management, les managers occupent une fonction à la fois de responsable d'équipe. C'est à eux qu'on doit l'organisation en place, les relations humaines et le suivi des résultats. Pris entre « le marteau et l’enclume » comme cité ici dans cette analyse, les middles managers occupent - qu'on se le dise - un rôle ingrat. Soumis entre la pression de la direction et la volonté d'assurer le bienêtre des équipes, ils soutiennent sur leur épaule le poids des responsabilités et la volonté de satisfaire les deux bords.
La tâche s'avère d'autant plus ingrate que certains entrent actuellement dans une spirale négative qui s'explique par un contexte compliqué du marché de l'emploi. Entre pénuries de candidats, les démissionnaires non remplacés, les politiques de recrutement de jeunes en alternance, les managers doivent jongler avec des équipes instables : « depuis le Covid, certains magasins fonctionnent avec 20% d'effectifs en moins », explique ici un manager. La réalité est difficile. Les managers sont la variable d'ajustement et doivent compenser les écarts en besoin de ressources humaines.
« Les jeunes ne veulent plus devenir managers, et ceux qui le sont envisagent de raccrocher », David Djaïz, économiste
Un métier de manager qui ne fait plus rêver
La réalité est là en magasin. Le métier de manager en magasin est en voie de transformation.
« Le métier a changé », partage ici un manager, « avant on recevait des jeunes, on les formait et puis certains grandissaient dans l'entreprise », ajoute-t-il avec nostalgie. « Ça a changé, on le voit encore avec nos alternants, 90% d'entre eux veulent aller voir ailleurs et changer de voie. Notre rôle c'est de les accueillir un an, deux ans..., on n'arrive plus à transmettre et à créer des vocations ».
Ce métier de manager en grande distribution n'a plus vraiment la côte. De nombreux témoignages relatent avoir pris la fonction « par défaut », sans réelle intention de prendre des responsabilités. « J'ai pris la suite d'un manager démissionnaire », explique ici un manager.
Ce manque d'attrait du métier est d'autant plus vrai quand on interroge les plus jeunes: « Le management, ça pèse. Au début, on y voit un challenge motivant, une belle ligne sur son CV. Mais avec le recul, je réalise que ce n’est pas fait pour moi et que je n’y trouve aucun plaisir. Ce que j’aime vraiment, c’est être sur le terrain, dans le rayon, au contact des clients », remarque ici un jeune manager.
Comme lui, d'autres partagent le même ressenti : « Être manager pour 2000 ou 2500 euros net, avec une charge de travail énorme et un manque de personnel, faut être fou pour s’en réjouir », commente ici un employé. Le métier a « perdu de l'intérêt : manque de personnel à compenser, salaire médiocre et aucune reconnaissance », regrette un autre. « J’ai commencé comme ça, et aujourd’hui je suis... employé libre-service. Une vraie désillusion », ajoute un autre qui a commencé ce métier avant de choisir d'être rétrogradé.
Malgré cela, certains se montrent optimistes sur le métier : « C’est un bon tremplin pour prendre de l’expérience et viser mieux ailleurs », « c'est une excellente carte de visite pour se reconvertir dans d’autres secteurs grâce aux compétences acquises », observent deux managers.
Les managers en France passent aujourd’hui beaucoup trop de temps en production et pas assez en soutien de leurs collaborateurs, au service de l’équipe », David Djaïz, économiste