La gestion d'une équipe dans la grande distribution représente un défi considérable, notamment pour un manager débutant. Souvent, pour ces jeunes professionnels parachutés à la tête d'une équipe, les attentes sont élevées. Il faut jongler dès le début entre des environnements de travail sous pression et une organisation de travail qu'il faut appréhender. S'il s'agit d'une embauche - au contraire d'une promotion interne -, il faut aussi du temps pour comprendre l'historique de chacun.
Dans cette prise de responsabilités, les managers débutants apprennent rapidement que les relations humaines sont le socle de leur mission et elles jouent un rôle crucial dans la réussite ou l'échec d'une mission.
À travers des témoignages recueillis auprès de managers, il apparait que la transition vers ce rôle est marquée par des erreurs fréquentes, des déceptions, mais aussi des apprentissages essentiels. Témoignages.
La tentation de tout contrôler : un piège courant
L'un des premiers défis rencontrés par les managers débutants est la difficulté à déléguer.
Beaucoup de managers cherchent à prouver leur implication et ressentent le besoin de tout contrôler, par peur que leur équipe ne soit pas à la hauteur. « Je voulais tout gérer sans déléguer et sans profiter de leurs expériences qui clairement me manquaient », remarque ici un manager. « Déléguer fait peur au début, on veut tout contrôler », complète un autre manager tout en assurant que ce manque de confiance au début entraine « une surcharge de travail, une perte de motivation pour l'équipe, et finalement à un épuisement. Ça ne sert à rien de faire le pompier ».
En parallèle, la confiance est une autre clé de voute des premières relations avec ses équipes : « moi j'ai eu du mal à identifier les maillons forts de mon équipe. Je me suis laissé influencer et j'ai donné ma confiance aux mauvaises personnes », relate ici une manager. Accorder sa confiance trop rapidement peut se retourner contre un manager novice. « Certaines personnes ont fini par me trahir », rétorque cette même manager. Cette trahison, qu'elle soit réelle ou perçue, peut laisser une marque durable sur la manière dont un manager interagit avec son équipe par la suite.
Pour donner sa confiance et l'obtenir en retour, les managers oublient la reconnaissance. Dire « c'est bien » peut sembler anodin, mais ce genre de reconnaissance est essentielle pour maintenir la motivation des équipes. Un manager raconte d'ailleurs : « Dire c'est bien à ses équipes quand ils s'investissent pour faire un beau magasin bien rempli, c'est la base ».
Cette simple attention peut faire toute la différence, mais elle est souvent négligée.
Ma plus grande erreur ? Déresponsabiliser mon équipe, perte de sens pour eux, et manque de motivation. Je voulais tout gérer sans déléguer et sans profiter de leurs expériences qui clairement me manquaient.
La difficulté à accepter les différences de rythme et de capacité
Autre erreur courante c'est de croire que son équipe doit forcément ressembler au manager. Il est souvent difficile pour un manager débutant d'accepter que chaque membre de l'équipe a son propre rythme de travail et ses propres capacités : « Croire que tout le monde va bosser aussi vite et aussi bien que ce que tu faisais toi », est une erreur fréquente qui peut générer des frustrations des deux côtés explique ici un manager. « Au début, on est trop proche des équipes, on veut montrer l'exemple », reconnait un manager.
En contrepartie, « on s'enferme vite dans un piège ». Bien manager ce n'est pas « faire des heures à outrance et contrôler son équipe », explique ici un manager, « mais plutôt construire des bases, poser une structure pour que tout fonctionne bien même quand vous n'êtes pas là ».
Croire que tout le monde va bosser aussi vite et aussi bien que ce que tu faisais toi. C'est dur à admettre au début que chaque personne est différente et ce n'est pas toi.
Auquel cas, le piège se referme sur le manager. De nombreux managers du secteur expriment leur épuisement en raison du nombre d'heures effectuées par rapport au contrat signé. « Faire trop d'heures et ne pas être récompensé au final, ça n'a pas de sens », regrette un manager expérimenté, « il faut doser ».
Trop s'investir au début provoque également le risque de dépasser ses propres limites : « je me suis cru indispensable. Ne pas déléguer, faire à la place de, plutôt que montrer et m'assurer que ce soit bien compris », témoigne un manager. Cet excès d'implication peut mener à l'épuisement et à une inefficacité à long terme.
La nécessité de créer un lien fort avec ses équipes et de trouver un équilibre entre autorité et flexibilité
Manager suppose de gérer des relations humaines. En 2024, il faut faire preuve d'écoute, d'empathie, de dialogue. Mais, « il ne faut pas tomber dans l'excès d'un management trop flexible », explique un manager. Un manager débutant peut être tenté de se montrer trop strict ou, au contraire, trop laxiste : « j’ai succédé à un directeur très strict, qui marquait à la culotte tous les chefs de rayons et employés. Il ne laissait rien passer comme par exemple : trainer 30 secondes de trop en pause, surprendre des discussions entre deux employés, un employé passant devant un post-it trainant au sol et ne le ramassant pas, etc », raconte-t-il. « À mon arrivée, j'ai voulu changer complètement ce mode de management très descendant et serré, en considérant les gens comme des adultes responsables pour me consacrer plus aux clients et à l’image du magasin. Quelle erreur ! », sourit-il amèrement. « Au final, je me suis retrouvé confronté à une "foire du slip" après avoir relâché les rênes trop vite », regrette-t-il. L'expérience montre qu'il est essentiel de trouver un juste milieu, en étant ferme, mais juste.
Mon erreur ? Vouloir demander l’avis de chacun jusqu’à me rendre compte que chacun donne son avis pour satisfaire son propre intérêt perso, et non celui de l'équipe.
Autre piège du manager débutant : la crainte des confrontations. Cet incident dans la vie d'une équipe peut être vécu différemment selon les managers. La peur de la confrontation est un autre obstacle majeur. « j'ai toujours craint les confrontations », explique ici un manager, « je me suis retrouvé une fois avec une équipe coupée en deux suite à une décision que j'avais prise sur l'organisation ». Conclusion : « discussions difficiles émotionnellement parlant » et surtout « une accumulation de tensions » dans l'équipe. « J'ai fini par démissionner », reconnait ce manager, « la marche était trop haute ».
Être manager dans la grande distribution en début de carrière, est une expérience intense, remplie de défis et d'apprentissages. Les erreurs sont inévitables, mais elles sont aussi les meilleures occasions d'apprendre et de s'améliorer.
Pour réussir des premiers pas, il est indispensable de savoir déléguer, de faire preuve de flexibilité, de reconnaitre le travail de ses équipes, et surtout, d'accepter que la perfection soit un objectif, non une réalité quotidienne.
Les managers aujourd'hui plus aguerris partagent que le temps est leur meilleur allié : « avec l'expérience, on finit par trouver un équilibre, on devient plus efficace et empathique », résume un manager.