Grande Distribution, ce que veulent les jeunes

Historiquement, la grande distribution a toujours eu du mal à attirer les jeunes.
Grande Distribution, ce que veulent les jeunes

Ces dernières années, le secteur de la grande distribution a bien tenté de redorer son blason auprès des jeunes. La médiatisation des patrons leaders de la grande distribution a permis déjà de dédiaboliser un secteur dont l'image est souvent écornée par les sujets de société. La crise est agriculteurs, le pouvoir d'achat, l'inflation, les scandales sanitaires... la grande distribution, qui est au bout de la chaine de la consommation, est sempiternellement pointé du doigt.

Alors forcément, dans l'esprit des jeunes, difficile de les convaincre d'aller dans un secteur qui ne brille pas toujours aux yeux des Français. Car non, la grande distribution ne fait pas plus rêver aujourd'hui qu'hier, malgré un ascenseur social qui fonctionne encore pour les plus impliqués.

Plusieurs professionnels, des plus jeunes comme des plus aguerris, ont partagé leur vision du travail en grande distribution.

Un secteur qui sert de tremplin

« Les jeunes fuient autant qu'ils le peuvent la grande distribution », soutient ici un manager aguerri « et s'ils viennent chez nous, c'est souvent pour y faire un simple passage dans leur vie professionnelle », déplore-t-il. C'est un fait, la grande distribution et les métiers en magasins peinent à attirer. Malgré les nombreuses offres d'emploi, les jeunes sont davantage attirés par les nouvelles technologies, les marchés en croissance et l'esprit startup, que par le monde du commerce.

Le secteur poursuit pourtant de solides efforts pour redorer son image. Partage de portrait métiers sur les réseaux sociaux, invitation à visiter les coulisses d'un magasin, intervention dans des écoles pour valoriser les métiers et les carrières, passage médiatique sur les nouveaux médias. Beaucoup d'efforts oui, mais en vain. « La grande distribution, depuis toujours, traine l'image d'un endroit où les évolutions de carrière sont quasiment impossibles, où la méritocratie est aux abonnés absents », complète un manager. Pourtant, les leaders du secteur clament haut et fort que c'est un secteur où l'ascenseur social fonctionne. Les belles histoires et carrières existent, mais « il y a beaucoup de candidats et peu d'élus », reconnait ici un autre manager.

La grande distribution propose des métiers intéressants : « la vie en magasin est passionnante. C'est l'adrénaline tous les jours. On essaie de transmettre notre passion aux premiers embauchés », explique ce manager avant d'admettre : « mais en tant que manager, on s'épuise. Quand on arrive à recruter, quand on croit avoir trouvé enfin une pépite, et ba on ne sait plus les conserver. Il part et ne répond plus aux messages. Ces derniers mois, on se prend des dizaines de claques »,  témoigne ici ce même manager. « Ce qu'il se passe souvent avec les jeunes c'est qu'ils veulent tout, tout de suite. Ils veulent apprendre, vite, mais ne veulent pas s'investir », souligne ici un manager.

Malgré des collègues géniaux et un travail pas désagréable, j'ai fini par quitter mon taf et monter ma propre boite depuis. Je comprends les jeunes qui partent tôt avant d'être trop attaché à l'entreprise

Provoquer une remise en question du milieu pour reconnaitre ce qui ne va pas

La grande distribution, selon l'enseigne et les expériences, c'est aussi de nombreux points de vue. Il y a ceux qui l'adorent, des passionnés du commerce ; et il y a les déçus et frustrés des mauvaises expériences passées. « La grande distribution c'est un peu comme retourner avec son ex, on y retourne alors qu'on sait à quoi s'attendre », ironise ici un employé.

Pour beaucoup, la perception de la grande distribution « dépend de l'enseigne et de la direction », résument les commentaires de plusieurs salariés, « pour n’avoir pas mal bossé chez un indépendant, ce qui impliquait notamment de beaucoup de polyvalence, l'ambiance était cool », explique une autre salariée d'un hypermarché de 70 salariés, « mais à côté de ça, j'ai des journées à rallonge, j'ai remplacé des collègues absents, proposés de bosser plusieurs weekends d'affilés », explique cette salariée qui a encore de la « conscience professionnelle ». « Mais assumer ces efforts sans reconnaissance finit par décevoir », regrette-t-elle, « malgré des collègues géniaux et un travail pas désagréable, j'ai fini par quitter mon taf et monter ma propre boite depuis. Je comprends les jeunes qui partent tôt avant d'être trop attaché à l'entreprise ».

Travailler dans la grande distribution ressemble un peu à une histoire d'amour. Il faut trouver le bon partenaire : « selon les magasins, même de la même enseigne, cela change du tout au tout. Bien vivre son job en magasin c'est vraiment une question de rapport entre les collaborateurs et la direction », annonce ici une manager qui reconnait les dessous du métier :  « il y a forcément des moments désagréables, mais comme dans tous les métiers. Il faut faire abstraction de tout, être ouvert d'esprit et ne pas se fier au regard des autres et tout se passe très bien. Il faut apprendre à travailler pour soi, et non pour les autres ».

Même constat pour cette manager aguerrie dans une enseigne indépendante : « selon mes magasins, il y a des possibilités d'évoluer facilement à qui s'en donne les moyens, et très honnêtement, ce n'est clairement pas compliqué de bien faire les choses ». Pour cette salariée qui a commencé hôtesse de caisse à 20 ans, le magasin a de suite misée sur elle en lui proposant plusieurs métiers : « d'abord employée polyvalente, puis fleuriste, puis au Drive, en rayon et maintenant à l'accueil du magasin, je gère les caisses ». 

« La question de l'équilibre pro-perso est indispensable pour des jeunes qui ne veulent pas se tuer au travail »

La grande distribution, je l'aime, mais je la quitte. Des ex-salariés racontent leur vision de la grande distribution, vue de l'extérieur

Comme les témoignages ci-dessus, l'amour du métier est réel. Pour celles et ceux qui l'ont quitté pour diverses raisons, beaucoup gardent un respect du métier.

Pour voir « autre chose », certains salariés sont allés voir ailleurs : « j'ai quitté la grande distribution, mais il n'est pas impossible que j'y retourne, ça reste des métiers passions, on aime ou on n’aime pas », commente un autre ex-salarié.

S'ils ont gardé de bons souvenirs, ils sont quand même nombreux à suggérer des changements profonds : « le secteur a besoin d'une forte remise en question. Des gens mieux payés, et surtout ils doivent admettre qu'enchainer les jours sans repos, de bosser 6j/7, ce n'est plus possible en 2024. Faut pas s'étonner que les jeunes quittent le milieu », raconte ici cette ancienne manager qui, en guise de reconversion, a pris la tête d'une boulangerie avec son mari. « La question de l'équilibre pro-perso est indispensable pour des jeunes qui ne veulent pas se tuer au travail », commente une autre. « Je connais encore des magasins qui restent inflexible sur les plannings et après ils s'étonnent que les gens partent alors que t'as juste demandé un samedi tous les 2 mois », remarque un jeune ex-employé

Néanmoins, beaucoup défendent le secteur : « je ne peux que conseiller la grande distribution, c'est un secteur d'activité où on apprend tous les rouages du commerce, de la gestion et de la logistique. La grande distribution sur le papier, ça te fait un CV solide », mesure ici un manager, mais en tempérant sur la nécessité « de bousculer les mentalités et d'opérer une remise en question, sans quoi on risque d'en dégouter beaucoup d'entrée de jeu », déplore-t-il.