Lancées tambour battant comme une innovation qui allait changer la consommation de yaourt en France, les briques de yaourt Yoplait font un démarrage plus que timide. Actuellement, les briques finissent davantage leur vie dans les bacs antigaspi que les paniers des consommateurs. Comme quoi, développer de nouveaux usages n'est pas une chose simple quand les habitudes des consommateurs sont déjà bien installées.
En sollicitant les employés et chefs de rayon frais, le constat est alarmant : « tout part en casse », « un fiasco », déplorent les chefs de rayon qui ont laissé la chance au produit de se faire une place dans les habitudes des consommateurs. Témoignages.
La dure confrontation d'une innovation face au marché
Lancé en novembre et après plusieurs semaines de ventes, le constat est malheureusement clair : difficile de changer les usages d'un produit dont les consommateurs ont pris l'habitude de le manger en pot. « Bien sûr on y a cru, le produit cherchait à dynamiser le rayon, mais au final on finira par les arrêter », regrette ce chef de rayon.
Tous les professionnels sont unanimes et rares sont les exceptions, la brique termine sa course plus souvent dans les bacs antigaspi que dans les caddies du consommateur : « le produit termine en antigaspi toutes les semaines. Malgré que l'on ai eu une promo à -68% sur le deuxième pendant 3 semaines, on n’a rien vendu », explique ici un responsable. « Pareil pour nous, même soldé avec 30 centimes de bons de réduction, on n’a rien vendu », regrette un confrère.
Idem pour ce magasin : « on en a reçu en flux poussé et pratiquement tout est parti en anti gaspi, sauf 1 référence, mais ce n’est pas dingue. Y'a quelques semaines j'ai rentré 2 références en permanent pour donner la chance au produit et tout est à nouveau parti en anti gaspi », détaille cette autre responsable.
Même constat ici : « Flop complet chez nous et pourtant on en avait reçu énormément de quantité. Ici même la mise en avant en TG n’a pas booster les ventes. On a tout désactivé du coup », commente une consoeur.
Face à ce flop, les chefs de rayon n'ont d'autres choix que de déréférencer le produit : « Nous on les arrête cette semaine », explique ici un chef de rayon, « quand on voit ce qu'il se passe avec les innovations, on n'en veut plus des arrivages forcés de ce genre », raconte un autre.
« De notre côté, nous avons eu des bouteilles gonflées avant la date de péremption, donc poubelle et arrêt du produit direct pour ma part », commente un autre chef de rayon.
Malgré tout, certains responsables se veulent optimiste : « j'ai les produits depuis un mois et les ventes sont correctes. On les a très bien vendu sans bon de réduction et en allée centrale pendant une opération laitière. Certes, il y a des parfums qui ont du mal à se vendre mais il faut laisser du temps au produit. Quand les skir et les hipro sont sorti tous le monde disaient la même choses car les gens ne connaissaient pas, mais maintenant c'est le succès pour ses produits... La clé c'est la présence d'un animateur pour faire connaître les produits... », explique ici cette responsable.
Pour cette autre cheffe de rayon, « le succès se limite à deux références : fraise/vanille et nature. De 11 références on est passé à 3. Depuis on a moins de casse », commente-t-elle.
La difficulté de développer de nouveaux usages
Pourtant développé dans d’autres pays, le yaourt en brique n'a visiblement pas trouvé sa place en France.
Argumenté, pensé et développé autour d'un enjeu écologique, le yaourt en brique voulait éviter « le gaspillage de plastique ». En effet, le yaourt en brique développé par Yoplait contient deux fois moins d’emballage et quatre fois moins de plastique que six pots de yaourt. « Nos consommateurs, toutes grandes enseignes confondues, ne sont pas habitués et tout le monde sait qu'il est difficile d'introduire une nouvelle configuration, quelle qu'elle soit, dans un pays vieillissant », observe ici un chef de rayon.
Côté consommateur, plusieurs nous ont fait part de leurs interrogations : « De mon point de vue de consommatrice, c'est un flop. J'en ai acheté avec un bon de réduction et je n'en achèterai pas d'autres. Mes enfants n’ont pas spécialement aimé », explique cette cliente avant de compléter : « Ce n'est pas pratique de se rendre compte de la quantité réelle que l'on se sert ni de ce qu'il reste. On ne peut pas vérifier visuellement l'aspect du produit et cela fait un surplus de vaisselle », témoigne-t-elle.
Sur le principe, l'idée d'éviter le gaspillage de plastique est compréhensible, mais dans les faits... : « Ok, cela fait moins de déchets plastiques, mais cela fait aussi plus de perte à l’intérieur ! C’est bon de racler le tour du pot de yaourt ! », explique un autre consommateur.
Le marketing va jusqu'à poser question : « Je pense que les consommateurs n'ont pas compris le concept. Quand on mange un yaourt, on utilise normalement qu’une petite cuillère. On peut racler le fond et ne perdre aucune goutte du produit. Là, on doit utiliser une cuillère ET un bol. Quand la brique est vide, on ne voit pas quelle quantité de produit reste à l’intérieur donc ça fait du gaspillage », résume un responsable.
D'autres se posent des questions sur la praticité de ce nouvel usage : « On se pose la question de combien de temps ça peut rester ouvert. Moi personnellement, je n’en mange pas tous les jours... ».
À l'heure où les magasins se battent avec le gaspillage alimentaire, cette innovation risque de fâcher une nouvelle fois les distributeurs avec les innovations. Elles se font d'ailleurs plus discrètes ces derniers temps dans les rayons.