Face à la colère récente des agriculteurs en Europe, la grande distribution est montrée du doigt accusé de faire pression sur les prix et de faire des profits trop importants sur le dos des producteurs et des consommateurs.
Dans les faits, parler chiffres ce n’est pas si simple.
Marge brute, nette : de quoi parle-t-on ?
Si on parle de marge brute (ou marge commerciale), celle-ci était de 22,9% pour le commerce de détail non spécialisé selon l'Insee. Elle était de 29,5% en 2020 pour les rayons frais des grandes surfaces selon l'OPFM. La marge brute correspond au prix de vente.
Si on parle de marge nette, c'est-à-dire en soustrayant les dépenses de fonctionnement (salaire, énergie, marketing, etc), elle est en moyenne de 2,3% avant impôt, toujours d'après l'OPFM. Cela reste une moyenne et peut varier d'un magasin à l'autre et selon qu'ils ont des emprunts importants à rembourser ou qu'ils aient réalisé de gros investissements.
La marge nette (ou marge d'exploitation) prend en compte tous les coûts opérationnels, y compris les frais généraux, les salaires, les dépenses de marketing, les coûts liés à l'énergie, etc. La marge nette mesure la rentabilité d'une entreprise après avoir pris en compte tous les coûts liés à son exploitation. C'est un indicateur clé de l'efficacité opérationnelle de l'entreprise.
Quels sont les produits et rayon à forte marge en grande distribution ?
Bien loin des chiffres qu'on prête souvent aux distributeurs, tous les produits ne se valent pas. C'est le cas par exemple des produits à forte rotation et produits d'appel, dont les marges brutes sont relativement faibles : le café Carte Noire a une marge en magasin aux alentours de 3%, du Nutella, le camembert Président ou encore le Coca-Cola. La grande distribution a d'ailleurs tout intérêt à conserver des marges faibles pour maintenir des prix bas. Le prix est avant-tout un outil de communication des enseignes de la grande distribution.
Aussi, si on soustrait les dépenses du magasin pour obtenir la marge brute, certains rayons peuvent même être déficitaire comme la boulangerie dont le prix des matières premières et le coût de la main d'oeuvre font passer la marge brute (environ 60%) à une marge net frôlant le négatif. La boulangerie est considérée par le secteur comme le rayon d'appel pour attirer des clients et fidéliser.
À l'inverse, le rayon volaille LS est un des plus performants des rayons frais : la marge nette avoisine les 10%.
Pour rattraper leurs marges brutes, les enseignes misent donc sur d'autres produits et rayons :
- les produits locaux qui ne profitent pas d'un levier de comparaison entre magasins et dont les marges sont souvent libres ;
- les produits de la marque distributeur ;
- les produits Bio ;
- les produits fait-maison et emballés sur place : là aussi, ces produits sortent de tout levier de comparaison et les magasins sont libres d'appliquer les marges qu'ils souhaitent (pizza faite maison, plats cuisinés, pâtisserie, etc) ;
📩 NOS NEWSLETTERS
RSE, Com' Locale, Podcast... : recevez nos newsletters chaque semaine
Quelles sont les dépenses opérationnelles des enseignes de la grande distribution ?
Le fonctionnement d'un magasin, quelque il soit, de proximité, supermarché, hypermarché ou centre commerciaux, nécessite des frais de fonctionnements importants. On les appelle les coûts indirects.
Ces coûts indirects sont souvent difficilement imputables à un rayon seul. Exemple pour l'électricité, dont le seul poste de dépenses est impossible à imputer à l'éclairage, aux frigos ou à la recharge des transpalettes.
Ces coûts indirects sont nombreux. Parmi eux, on retrouve :
- le marketing / communication ;
- la promotion ;
- les couts de réapprovisionnement des rayons ;
- le cout des bâtiments ;
- l’énergie ;
- les invendus ;
- etc.
La grande distribution dégage de solides bénéfices
Bien sûr, 1 à 2% de résultat net semble peu et peut décontenancer le grand public quand on lui annonce de tel chiffres . Mais ramené au chiffre d'affaires global, un magasin reste rentable. 2% sur 56 millions d'euros* de chiffre d'affaires représente tout de même 1 million d'euros de bénéfices.
Un changement de modèle économique à venir
La grande distribution demeure toutefois de solides financiers. « Notre but est de vendre le produit en magasin avant de l'avoir payé au fournisseur », nous explique en off un directeur de magasin. C'est sur cette logique que la grande distribution assoit aussi son modèle, en décalant les paiements, souvent à 30, 60 ou 90 jours après réception. La grande distribution a ainsi largement le temps de vendre un produit, avant même d'avoir réglé la facture - et c'est encore plus valable pour les produits frais.
La grande distribution s'est construite dans les années 80 où le volume était la pierre angulaire de son modèle économique : la logique de surconsommation a depuis été dépassée par les sujets sociétaux où les consommateurs consomment de manière plus raisonnée. La grande distribution doit répondre à ce changement de paradigme, comme initié d'ailleurs par la loi Descroizailles, qui incite davantage à moins de consommation. Consommer oui, mais consommer mieux.