Dans la grande distribution, il y a ce qu'on veut voir, ce qu'on ne voit pas et ce que les magasins veulent cacher. 6ter a récemment lancé l'émission « La vie Secrète des Supermarchés », une énième série documentaire de 6 épisodes qui part à la rencontre du quotidien des professionnels des magasins.
Diffusée depuis le 24 mai, la série part à la rencontre des salariés de trois hypermarchés : un Auchan à Farébersviller, le Leclerc Gonfreville-l’Orcher, l'Intermarché Dolus-d’Oléron.
Dans la com', les mots sont bien choisis : mettre en avant les collaborateurs, tels des héros, travaillant avec passion dans le monde du commerce.
Sauf qu'à vouloir être trop lisse, trop beau, trop propre, cela finit par tourner en dérision un secteur que la chaine veut présenter comme paradisiaque.
On est bien loin des défis auxquels le secteur fait face (et qui sont passionnants au demeurant) : l'inflation et la paupérisation des consommateurs, dématérialisation du prospectus, difficulté de recrutement, chamboulement dans la stratégie de l'offre commerciale, relation avec les producteurs locaux, défis autour du zéro gaspi, l'empreinte carbone, le bien-être des salariés. L'émission ne remet rien en question, comme s'il ne fallait rien changer. Tellement décevant alors que le secteur vit une révolution en profondeur.
Voici les retours des professionnels du secteur sur l'émission La Vie Secrète des Supermarchés, ceux qui aiment leur métier et qui souhaitent défendre la réalité des métiers de la grande distribution.
« C'est un déni de réalité » : un énième exercice du genre qui n'apporte rien à la grande distribution
À la vue du premier épisode, les professionnels de la grande distribution sont unanimes : « tout est trop beau, cela vire au ridicule », en rigole un salarié. « Ce n'est pas le monde des bisounours », ajoute un autre.
Car (attention Spoiler) :
- Non, la grande distribution ce n'est pas rose tous les jours ;
- Non, ce n'est pas un monde dépourvu de pression ;
- Non, « tout n'est pas aussi fluide tel que ça en a l'air » ;
Mais :
- cela ne veut pas dire que les professionnels n'aiment pas leur métier ;
- qu'on peut être piqué par l'adrénaline du commerce ;
- qu'on souhaite y faire carrière et répondre aux nombreux défis du secteur ;
Pour voir un reportage un jour sur la vraie réalité du terrain, il faudra attendre encore un peu (ou sans doute jamais)...
« On aime nos métiers, mais il faut arrêter de faire des émissions où tout est trop beau », commente un salarié. Comme lui, d'autres professionnels dressent un constat unanime : « oui c'est un beau reportage, sans doute celui qu'on aimerait voir dans tous les magasins, sauf qu'à aucun moment ils n’ont montré le vrai côté de la grande distribution. Les personnes ont été bien choisies bien rodées. Ils jouent un rôle », reconnait un confrère.
L'émission a sans doute voulu bien faire les choses. Trop peut-être, sans avoir mis les pieds auparavant dans un point de vente : « cette émission c'est un déni de réalité », commente un salarié, « je n'ai pas réussi à regarder jusqu'au bout », reconnait un autre.
D'autres n'ont carrément pas osé regarder, sans doute déçus d'un énième reportage du genre qui n'apporte rien de bien à ce secteur : « je n'ai pas regardé, car je savais très bien que cela n'allait pas refléter la réalité dans la plupart des magasins et apparemment, quand je lis les commentaires, je ne me suis pas trompé », confie un salarié.
« Pour moi, le clou du spectacle c'est quand le directeur d'un magasin constate que personne ne vient pas au recrutement alors que le magasin se présente comme le paradis. L'émission se contredit elle-même », analyse un salarié, « si c'est le monde de Mickey, pourquoi personne ne postule ? ».
Ce n'est pas le monde des bisounours
L'émission veut faire passer la grande distribution comme un monde paradisiaque : « dans les trois magasins, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », regrette ce salarié, « cette émission va encore faire croire aux clients qu'un hypermarché est un monde merveilleux ou tout le monde est heureux, bref c'est Disneyland », ironise un employé.
« Tout cela est un peu trop édulcoré je trouve. On se croirait dans le monde de Mickey », commente une autre consoeur.
On ne voit que les bons côtés
« Nous ce qu'on veut voir c'est la réalité : des imprévus, les pannes de frigos, des retards de livraisons, des horaires à rallonge, les inventaires, un candidat qui ne se pointe pas à son premier jour de travail, etc », admet un salarié. « L'émission ne montre que les bons côtés comme d'habitude. Ce n'est pas très représentatif de ce que l'on vit vraiment »
Globalement, l'émission se veut « documentaire », mais elle se classe tout juste dans le « divertissement ». Beaucoup d'attentes, mais beaucoup de déceptions.
« Franchement c'est sans intérêt. Ce n'est pas le vrai reflet de ce que nous vivons au quotidien... que ce soit les bons ou mauvais moments... un vrai rodage pour l’émission, du cinéma rien de mieux ». Un autre de terminer par « c’est trop superficiel. Vous n'apprendrez rien ».