C'est une conséquence collatérale de la montée des prix en grande distribution. En janvier, l'inflation sur les produits de grande consommation a atteint +11,4% selon Nielsen et 60 millions de consommateurs. Sur la seule année 2023, cela représentera selon les estimations un surcout moyen de 790€ comparé à 2021. Alors forcément, les clients rusent, contournent les règles pour gratter quelques euros par-ci par-là. En magasin, les professionnels le constatent de leurs propres yeux et assistent à des scènes jamais vues auparavant. La plupart ont encore du mal à le chiffrer.
Mais l'inflation ne semble pas la seule cause de ces vols à l'étalage.
Alimentaire, Non AL : tous les rayons sont concernés par le vol en magasin
En magasin, ces vols à l'étalage se multiplient : « on sait que ça va de pair avec l'augmentation du coup de la vie, malheureusement », s'exprime ici ce salarié d'un magasin , « se nourrir est un besoin primaire, on ne peut pas empêcher les gens de le faire », s'attriste-t-il. « Finalement, cette hausse des vols parait tout à faire normal, remplir un caddie de courses c'est devenu un luxe », complète un confrère.
Comme eux, de nombreux professionnels ne peuvent que constater la recrudescence des cas de vols en magasin : « on confirme cette hausse des vols, tous rayons confondus, mais malheureusement ce n'est pas forcément des denrées de première nécessité… plutôt de l’alcool, des produits cosmétiques, des produits alimentaires non essentiels comme du saumon fumé ou foie gras à Noël », raconte ce manager.
Les vols en magasin ne sont pas nouveau. Auparavant, les vols se concentraient majoritairement sur les produits non alimentaires comme « les tests de grossesse, les crèmes antirides, les parfums, les maquillages, et aussi l'alcool», explique ce directeur, « et ces vols ce sont généralisés sur l'alimentaire où on le constatait moins avant comme les pâtes, le riz, les steaks hachés », termine-t-il.
« Dans mon magasin, ça arrive de voir des clients se servir et manger directement dans le rayon. Pas plus tard que la semaine dernière, on a vu des gens manger des sushis dans le magasin », raconte ici cette salariée.
Des vols en magasin sous les yeux des hôtesses de caisse
Généralement, les clients sont rarement pris sur le fait. Ce sont surtout les chiffres de démarque inconnue qui attestent de cette recrudescence des vols.
En caisse, les hôtesses et hôtes voient peut-être davantage de situations que les équipes en rayon. C'est surtout au niveau des caisses que certains clients sont pris en flagrant délit : « je suis en caisses libre-service et effectivement il y a beaucoup plus de fraudes. On constate énormément de sous-pesage sur le vrac ou des inversions de produits pour les fruits et légumes. Sans compter les "produits oubliés" dans les sac. Le pire dans tout ça c'est que ce ne sont pas forcément les plus pauvres qui volent », constate ici cette hôtesse.
Ces situations sont difficiles et certains hôtesses et hôtes interrogés reconnaissent parfois « faire comme si on n'avait pas vu » : « dans mon magasin, on s'est rendu compte hier qu'un couple de personnes âgées qui viennent tout les jours mettaient du beurre dans leur poche de manteau », raconte d'ailleurs cette hôtesse, « on l'a signalé, mais ça faisait un moment à mon avis que personne ne leur disait rien ».
Pour certaines hôtesses, la situation joue sur les nerfs : « le problème dans tout ça c'est qu'on nous demande d'être vigilantes en caisse. Parfois on le voit, parfois on en marre de le répéter. Et même si on est vigilante, celui qui vient avec l'intention de voler, on sait qu'on ne l'empêchera pas de le faire », déplore cette hôtesse jugeant la situation démoralisante, « dès fois, qu'il y ai un vigile ou non c'est la même chose. Un seul vigile ne peut pas surveiller tous les recoins d'un magasin ».
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L'inflation a bon dos, mais il y a d'autres causes possibles au vol à l'étalage
Mais si la hausse des prix vient justifier ces comportements, d'autres reconnaissent que c'est un peu un « raccourci » de tout mettre sur le dos de l'inflation.
En effet, par manque d'effectifs, certains magasins ont aussi été contrait de revoir leur organisation : « chez nous par exemple on est moins présent à certains moments de la journée, les après-midis par exemple, alors qu'avant il y avait toujours quelqu'un. Clairement, on est de moins en moins nombreux en magasin et ça y joue », explique ici cette employée.
À cela, il faut ajouter le fait que certains magasins ne disposent pas (ou plus) d'agent de sécurité. Certains ont même vu leur mission évoluer : « nous notre problème c'est que les agents de sécurité dépannent parfois pour ranger les paniers et les caddies. Certains doivent même venir changer des palettes de liquides le soir par manque de bras », regrette ce salarié, « ils ne peuvent pas tout voir ».
Et quand bien même, les vigiles assurent leur mission, beaucoup reconnaissent « ne pas pouvoir tout voir. Il y a des points morts dans le magasin. Les caméras de surveillance ne peuvent pas filmer tous les recoins. Et un ou deux vigiles pour une surface de 5000m2 c'est impossible, on n'a pas tout le temps les yeux rivés sur son écran », explique cet agent de sécurité d'un hypermarché.
Au final, l'inflation a bon dos et explique sans doute le comportement de certains clients. Mais l'organisation au sein des magasins est aussi plus fragile et a rendu les magasins plus vulnérables qu'avant.