À l'heure où les bras manquent et où les difficultés de recrutement se font sentir en point de vente, les enseignes tentent de trouver de nouvelles organisations pour assurer le travail des équipes, gagner en productivité et améliorer l'expérience en magasin.
C'est dans ce contexte que le projet « modélisation » a fait son apparition chez Auchan (un énième projet). On a demandé aux équipes magasins de nous expliquer leur vision du projet modélisation et leur impact dans leur quotidien. Le projet est actuellement en cours de déploiement dans de nombreux magasins en France.
Projet modélisation : comment ça marche ?
Première chose, le projet modélisation concerne uniquement les rayons libre-service.
Pour schématiser, le magasin est découpé en plusieurs zones, elles-mêmes constituées de plusieurs rayons, eux-mêmes concernés par des consignes prioritaires. Pour chaque zone, il y a :
- des collaborateurs appelés « polycompétents » dont la mission principale est le remplissage des rayons ;
Cette équipe de « polycompétents » est accompagnée dans chaque zone par :
- une personne « gestion » qui est chargée de la gestion des rayons, des ruptures de stock, des paramétrages de commande et des stocks négatifs ;
- une à deux personnes « promo » chargées du remplissage des têtes de gondole, des promos, et des mises en avant ;
Cette organisation type commence à 5h par l'ensemble des équipes (« polycompétents », « gestion » et « promo) par le remplissage des rayons en commençant par ceux prioritaires. L'objectif affiché ici est d'assurer la mise en rayon avec pour objectif, on cite, « avoir des rayons alimentaires pleins à craquer à l'ouverture » tout en veillant à ce que les rayons soient désencombrés et propres avant l'ouverture du magasin. « Dans notre magasin, on s'assure que 90% du remplissage soit fait avant l'ouverture », explique une salariée.
Après 8h, les « polycompétents » sont déployés sur d'autres secteurs moins prioritaires pour du remplissage de rayons, dont le non-alimentaire et les rayons concernés par le Projet Soleil. Et les équipes « promo » et « gestion » basculent sur les tâches confiées.
À cela, il faut ajouter une équipe d'après-midi qui fait la « maintenance » sur les rayons qui ont besoin d'un remplissage et qui s'occupe aussi de la « tenue de soirée », c'est-à-dire le facing sur tout le magasin sous les coups de 17 heures.
Dans les grandes lignes, la modélisation c'est : un homme promo, un homme gestion + des polyactivites, aussi appelés polycompétents.
Qu'est-ce ça change vraiment en magasin ?
En soi, les tâches et les missions restent les mêmes. Le projet modélisation vise à gagner en flexibilité là où les tensions sont palpables et où les rayons sont concernés par la saisonnalité, ou par des besoins ponctuels précis.
Pour les collaborateurs concernés par le poste de « polycompétents », le métier de change peu puisque la mission principale réside simplement dans le remplissage des rayons : « le projet modélisation ne change presque rien, au lieu de m'occuper uniquement de mon rayon, je le fais sur toute l'épicerie salée », donne en exemple ce collaborateur désigné polycompétents.
Avant chaque déploiement, le projet fait bien entendu grincer des dents les équipes en magasin qui ont peur de perdre en responsabilité : « la modélisation a des bonnes et de mauvaises choses, mais ce n'est pas la catastrophe annoncée », rassure ici cette salariée, « ceux qui étaient débordés vont être contents, car ils auront de l'aide ; et d'un autre côté, ceux qui étaient "tranquilles" et qui géraient leur temps déchantent un peu ». D'autres expliquent même que c'est « franchement c'est le meilleur depuis longtemps » et il assure même « plus d'équité ».
« Nous de notre côté, pour le moment on attend la mise en place. On a de bons échos à Castres qui est magasin pilote et ça marche apparemment très bien. Évidemment, comme tout projet de cette envergure ça va demander un certain temps d'adaptation, mais c'est un super projet qui est tout à fait logique dans son organisation », s'exprime ici un collaborateur de l'enseigne.
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« Une perte de responsabilité vécue par certains »
Le projet modélisation ressemble dans sa conception au projet soleil et au projet Top de Carrefour qui vise à fluidifier le travail d'équipe et à gagner du temps là où c'est possible.
Dans certains magasins, le projet ne fait pas l'unanimité : « on perd en responsabilité, on gratte du temps au détriment du professionnalisme ». Ce collaborateur pointe ici « moins de rigueur sur les rotations, le nettoyage. Et les polycompétents n'ont plus aucune gestion , regrette-t-il.
Pour un autre confrère, le projet modélisation cache un problème de fond « le manque de personnel ». « La polyvalence n'est qu'un prétexte pour combler les manques et faire des économies », termine-t-il.