C'est probablement l'une des plus grandes réussites entrepreneuriales dans le monde de la grande distribution depuis son émergence dans les 60 : le Drive. Le concept des courses alimentaires en ligne a conquis bon nombre de clients en seulement 15 ans. Un succès incroyable né avec Auchan, mais qui a vite été terrassé par l'agilité de l'enseigne indépendante E.Leclerc.
Alexandre Bompard l'avait lui-même avoué, Carrefour a pris du retard dans le train du e-commerce alimentaire. Bien décidé pourtant à rattraper son retard, le patron de l'enseigne Carrefour ne pouvait que constater l'omniprésence de son principal concurrent en France. Car oui, aujourd'hui une enseigne supplante tout le monde sur le terrain du Drive. Il s'agit de E.Leclerc.
Le Drive, qui consiste à effectuer ses courses en ligne au même prix qu'en magasin et des les récupérer en voiture, est une exception à la Française, au point que même les voisins d'outre-Atlantique, comme Walmart, nous l'envient. Ailleurs en Europe, le concept n'est pas aussi développé.
Cette réussite s'est construite sur 15 ans. 15 petites années pour que l'enseigne parvienne à démocratiser les courses en ligne. Pourtant, elle n'était pas la première à se lancer.
Les démarrages du Drive au début des années 2000 jusqu'en 2014
Car non, ce n'est pas E.Leclerc qui n'a pas inventé le Drive.
Le concept est en effet né début 2000 à Leers dans le Nord de la France, sous l'initiative des équipes d'Auchan. À l'époque, internet n'est pas encore totalement installé dans les ménages français et l'idée passe un peu inaperçue (ndlr : en 2002, on compte seulement un million d'abonnés au haut débit). Chronodrive prendra forme ensuite en 2004 à Marcq-en-Barœul et en 2006 à Nantes.
Le potentiel est là, mais le modèle souffre d'un manque de rentabilité. Dès le début, des adhérents E.Leclerc testent le concept en jouant les clients mystères, mais sans trop donner suite.
Il faudra attendre 2007 à Roques-sur-Garonne pour voir sortir de terre le premier Leclerc Drive. Il s'agit un Express Drive, accolé au magasin qui proposera 3000 références.
Cette année-là, deux enseignes croient au concept et décident de commencer leur déploiement en France. Ainsi, pendant 2 ans, Chronodrive et E.Leclerc s'étendent sur le territoire. Ce déploiement fait écho d'une part à l'adoption massive du haut débit dans les ménages français et d'autre part par des premiers tests concluants.
En 2009, E.Leclerc comptabilise déjà une trentaine de Drive, principalement des modèles dits déportés, c'est-à-dire non accolés aux magasins.
Mais c'est en 2010, que le drive explosera. Propulsé par un homme, Pascal Payraudeau adhérent E.Leclerc à Roques-sur-Garonne, le Drive conquiert les adhérents de l'enseigne : « à partir du moment où j'ai démontré que le drive marchait [c'était en 2010] , ça a été une explosion », explique-t-il sur LSA en 2014. L'adhérent convaincra d'autres adhérents de le suivre avec une règle toutefois : pas plus de deux drives par adhérent. Entre 2012 et 2013, on comptera entre 2 ou 3 ouvertures par jour en France.
C'est alors que les premiers écarts se font ressentir entre les deux enseignes implantées (Chronodrive et E.Leclerc). Ce sont les initiatives des magasins indépendants en région qui permettront de distancer Chronodrive. C'est d'ailleurs là la force d'un réseau d'entrepreneurs, qui, pleinement autonomes et non dépendant de décisions centralisées, ont pu investir rapidement sur ce format pour conquérir des parts de marché là où la plupart des enseignes concurrents ne faisaient que constater l'évolution du format.
Que font les autres enseignes pendant ce temps ?
Dès lors, de 2009 à 2014, les ouvertures s'accélèrent. On comptabilisera 2500 points de retrait en France en 2014.
Avancer plus vite que le législateur ou quand les drives ont été soumis à la CDAC
Dès 2014, le déploiement des Drive signe un coup d'arrêt important. Dès le 14 mars 2014, l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR encadre l’installation des drives. Cette loi arrive à un moment où les Drives sont solidement implantés et où E.Leclerc a pris un temps d'avance évident.
Car en efffet, désormais les installations de nouveaux points de retrait sont soumises à des autorisations.
Seuls les point de retraits intégrés à un magasin de détail ne sont pas soumis à autorisation. C'est d'ailleurs une des raisons principales qui expliquent qu'on voit peu de nouveaux Drive déportés se construire.
E.Leclerc Drive c'est 39% de l'e-commerce alimentaire en France
Quelques années en 2020, la crise sanitaire propulse le Drive sur le devant de la scène. Afin de limiter les contacts en magasin et d'éviter d'éventuelle contamination du virus, les Français optent - certains découvrent - pour les courses en ligne. Selon les magasins, le chiffre d'affaires du e-commerce alimentaire avoisine les 15% : « le confinement a fait gagner 5 ans au Drive », nous expliquera d'ailleurs en 2021 un adhérent E.Leclerc.
Depuis, la croissance du Drive s'est un peu essoufflée. Aujourd'hui, E.Leclerc domine largement le marché à 39% de l'e-commerce alimentaire, contre 22% tous formats confondus. C'est dire la puissance du réseau aujourd'hui.
Quelles évolutions futures pour le drive ?
Le Drive n'est qu’aux prémisses des évolutions de la consommation des ménages. Depuis, il se décline en Drive piéton dans les centres-villes. Mais cela ne va s'arrêter là.
Pour stimuler sa croissance, le Drive doit aussi se moderniser. On voit deux projets majeurs :
- Le premier chantier est celui du développement de l'assortiment. À ce jour, un E.Leclerc Drive déporté contient environ 30% de l'assortiment d'un magasin (à la différence des autres enseignes qui proposent jusqu'à 80, 90% de leurs références en magasin). Parmi les projets de l'enseigne, il s'agira de proposer à court terme de nouvelles références notamment celles du non alimentaire comme les jouets à Noël.
- Le second projet consistera à réfléchir à comment desservir les zones rurales pour permettre à ceux qui ont des problèmes de mobilité de limiter leur déplacement.
À suivre.