Vous en avez sans doute déjà entendu parler. La « grande démission » est un mouvement qui a débuté aux États-Unis en 2021 dans l’après-pandémie. Ce dernier prend de l’ampleur et cela se constate dans les magasins.
En France, selon une étude de la DARES (direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques), à l’été 2021, le nombre de démissions de CDI était supérieur à 19,4% comparé à 2019. Même constat pour les CDD qui ont vu leur rupture anticipée progresser de 25,8% comparé à 2019.
La tendance est là et elle fait grincer des dents des secteurs d’activités déjà largement en proie à des difficultés de recrutement depuis plus deux ans tels que le commerce, l’hôtellerie-restauration, la santé...
Un économiste a récemment expliqué que les départs étaient dus à 4 facteurs :
- La pression et les mauvaises conditions de travail sans contreparties, financières, matérielles ou humaines ;
- Le désintérêt pour le travail : des missions peu stimulantes, un manque de reconnaissance ou des difficultés pour faire évoluer sa carrière ;
- Le besoin de se reconvertir et de changer de voie professionnelle : de nombreux professionnels désirent rejoindre des métiers porteurs de sens ;
- Des démissions anticipées depuis longtemps, mais stoppées pendant la crise sanitaire : l’effet de solidarité et le besoin de se sentir utile à la société en tant que crise ont poussé certains collaborateurs à retarder leur départ
Sur le terrain en grande distribution, on constate un mix de plusieurs de ces facteurs. On ne peut que le constater en témoigne les commentaires que nous avons reçus.
« C’est un défilé » : vague de départs dans les magasins
« Non seulement il y a eu des départs, mais on peine à recruter des profils efficaces et qui veulent travailler », souligne de manager.
Si le nombre de départ est pour l’heure difficile à chiffrer, le constat est dur à avaler pour les magasins : « oui on compte beaucoup de départs, des dizaines par mois », commente ce manager dans un hypermarché E.Leclerc : « ce qu’on observe c’est que les gens qui partent quittent le navire pour des reconversions ou parfois ils quittent pour suivre le mouvement d’autres, déjà parties. C’est un cercle vicieux », déplore ce responsable.
« Chez nous en 2021, nous avons le départ de bon éléments. Ça a été un défilé et ça a eu une indécence directe sur l’ambiance du magasin, ça a été dur de rebondir. Plusieurs mois après, on a encore du mal à s’en remettre », remarque cet autre responsable.
Même constat enfin pour ces deux employés : « toutes les semaines je vois de nouvelles têtes ! », raconte cet employé qui travaille dans un drive.
« Il y a beaucoup de turnovers et c’est de pire en pire. Les gens ne restent pas longtemps ! Une fois la personne formée, elle part, il faut réformer », un manager dans un magasin U.
Des dégoûtés du métier pendant la crise sanitaire
En tête de liste des critères de désaffection du commerce, la crise sanitaire est passée par là : « j’ai fini par partir, dégoûtée du comportement des clients », témoigne cette employée d’un Carrefour en location-gérance, « j’étais tellement exaspérée du comportement des clients en 2020 pendant le Covid ».
Comme elle, de nombreux confrères ont fini par rendre le badge et à faire une pause du commerce : « le Covid a été la goutte d’eau pour moi, j’ai fini par perdre foi en mon métier », regrette cet autre employé pourtant passionné. Un autre employé confirme : « la période du covid et de l'aprés-covid ont été trop dure à gérer pour moi. Soit les clients sont devenus de plus en plus insupportables, soit c’est nous dans les magasins qui ne les supportons plus », raconte-t-il.
La crise sanitaire a semble-t-il laisser des traces dans le quotidien des professionnels du secteur qui, malgré une passion pour le métier, ont fini par rendre les armes.
Une volonté d’ailleurs, mais de rester dans le commerce
Paradoxe, de nombreux professionnels démissionnent pour se donner une nouvelle chance, dans un autre magasin, dans une nouvelle enseigne : « je fais partie de ceux qui ont démissionné », explique cette employée, « sauf que je suis partie pour une autre enseigne et je suis revenue 1 mois après. Des fois l'herbe n'est pas plus verte ailleurs », sourit-elle.
Même histoire avec ce manager : « j’ai posé ma démission après 13 ans dans le même groupe. Je suis revenu 3 mois après, et j’ai fini par repartir du magasin 9 mois plus tard. J’ai fini par intégrer une enseigne indépendante et je regrette de ne pas l'avoir fait avant », précise-t-il.
« Moi j’ai démission d’un groupe intégré il y a un an. Je travaille depuis dans une enseigne indépendante et je m’épanouis dans mon travail. En tant que managers, nous sommes de véritable commerçant, rien à voir avec les groupes intégrés où ils prennent des décisions incohérentes, tant ils sont persuadés d’avoir la science infuse. Si le modèle indépendant se porte bien c’est bien qu’il y’a une raison », s’alarme ce manager.
Un nouveau rapport de force employeurs et collaborateurs
Ce qui surtout beaucoup changé c’est désormais le rapport de force entre employeur et collaborateurs : « c’est fini l’époque où on avait une pile de CV sur le bureau », témoigne cet adhérent d’un Intermarché, « maintenant on doit apprendre à fidéliser les collaborateurs pour stopper l’hémorragie ».
Désormais, avec le plein-emploi qui pointe le bout de son nez, les entreprises réalisent à quel point il devient difficile de trouver des collaborateurs motivés. Malheureusement, la situation ne fait que commencer et il y a peu de chances que les tensions retombent dans les mois qui viennent.