Ces deux dernières années, sous l’influence de la crise sanitaire, le e-commerce explose et les enseignes de la distribution affichent un gain de 5 à 10 points de parts de marché et 10 % de chiffre d’affaires en plus.
Du fait de ce boom, qui n’est pourtant pas si récent, les entreprises du secteur de la grande distribution peinent à recruter.
Elles doivent se rendre de plus en plus attractives tout en faisant face à des exigences toujours plus grandes concernant les profils recrutés.
Et pour ce secteur en pleine transformation, l’avenir se conjuge déjà au présent et autour d’une expérience client enrichie, avec l’adoption de stratégies omnicanales menant à une relation client « parfaite », ce qui fait émerger des nouveaux métiers pour lesquels les candidats « idéaux » n’existent pas encore…
Dans ce contexte alors, comment les recruteurs s’y prennent-ils et quelles sont les qualités attendues par les recruteurs pour dénicher les meilleurs candidats dans un secteur où le salaire n’est pas l’argument principal ?
Pour répondre à cette question, nous avons rencontré Pierre Guivarc’h, acteur et fondateur de Skiill, cabinet de recrutement « hautement humain » spécialisé dans la quête de profils pour les enseignes de la grande distribution. Interview.
Interview : « les candidats ne postulent pas si la politique de l’entreprise ne les séduit pas »
🎤 JBGD : Avec une baisse du chômage de 2% et un chiffre d’affaires en hausse constante, les enseignes de la grande distribution font face à des difficultés de recrutement de plus de plus fortes. Quel regard portez-vous là dessus ?
🗨 PG : « L’offre et la demande ne sont plus à l’équilibre et les enseignes peinent à trouver des pépites et des profils qualifiés, en effet. Les marques développent alors leur propre stratégie pour se rendre plus attractives et donner envie aux candidats de les rejoindre. Le problème est qu’aujourd’hui, ces mêmes candidats ne postulent pas si la politique de l’entreprise ne les séduit pas. Ils ne cherchent plus seulement un CDI avec un salaire, ils veulent adhérer à un projet d’entreprise qui coincide avec leur projet de vie, leurs valeurs, etc. Ils recherchent aussi un confort de travail, des avantages etc.
Néanmoins, si le monde de la grande distribution est réputé pour être un milieu difficile du fait des conditions de travail, il est aussi possible d’y évoluer vite, de prendre des responsabilités, et c’est un argument que nous mettons souvent en avant ».
🎤 JBGD : La grande distribution reste un ascenseur social en effet et beaucoup de patrons le martèlent en effet... Quelles sont les stratégies que les enseignes développent et dont nous parlons ici ?
🗨 PG : « Certaines misent sur des salaires plus élevés, comme le font les enseignes étrangères telles qu’Aldi, Lidl, Action, H&M, mais toutes ne peuvent pas se le permettre. D’autres vont développer une politique RSE ou RH attractive, proposer des avantages comme la Mutuelle, les RTT, un aménagement des horaires, du télétravail dans certains cas.
Comme les candidats ne postulent plus « spontanément », il faut aller les dénicher, ce que font les cabinets comme le nôtre : comprendre le besoin de l’entreprise, le formuler et y répondre en mettant la main sur le bon candidat, peu importe où il se trouve ! » Avec le développement de l’omnicanal*, on voit émerger des métiers encore méconnus et pour lesquels les candidats n’existent pas toujours.
« Cette tendance fait émerger des nouveaux métiers qui n’existent pas encore « pleinement ».
🎤 JBGD : Pour aller chercher ses futurs talents, la grande distribution se doit de revoir leur politique RH. Comment les recruteurs s’y prennent-ils dans ce contexte ?
🗨 PG : « Certaines études démontrent que d’ici à 30 ans, 50% du chiffre d’affaires des enseignes de la grande distribution concerneront le digital ; et 50% du chiffre d’affaires proviendra des points de vente, des boutiques, des magasins et des corners, etc. Cette tendance est d’ailleurs déjà perceptible. Dans les points de vente physiques et dans les points de vente en ligne, l’omnicanal est la clé de voute d’une relation client réussie, de part notamment la connexion et la mobilisation systématique des différents canaux de contact et de vente possibles entre l'entreprise et ses clients.
Cette tendance fait émerger des nouveaux métiers qui n’existent pas encore « pleinement ». Les recruteurs misent donc sur la personnalité des candidats, leur savoir-être, plutôt que sur un savoir-faire qui peut s’acquérir rapidement par l’expérience. Il est plus facile de former une candidate à un métier que de transformer sa personnalité pour l’adapter aux besoins de l’entreprise ».
🎤 JBGD : Les métiers de la grande distribution ne sont pas réputés pour être faciles, au contraire. D’une façon générale, quelles qualités doivent présenter les candidats qui postulent dans ce secteur ?
🗨 PG : Intégrer le monde de la grande distribution, c’est faire un choix de vie personnelle assez « fort » dans la mesure où les premières années, les métiers impliquent des contraintes importantes : horaires décalés, plannings dynamiques, travail les jours fériés, ports de charges, manutention, inventaires, saisonnalité (soldes, rentrée). Il faut être un peu « dur au mal » et être en bonne santé physique car on marche beaucoup, on reste debout, etc.
Pour toutes ces raisons le savoir-être du candidat, sa motivation et sa volonté passent devant ses compétences. Les qualités recherchées sont donc le dynamisme, la vitalité, l’enthousiasme, la ténacité, l’optimisme, la qualité. La polyvalence, la résilience, le fait d’être mutlitâche comptent aussi beaucoup.
Lors des entretiens de recrutement, nous vérifions aussi le niveau d’expression orale, la fluidité dans le langage. Dès les premiers échanges, ces traits de personnalités ressortent, ce qui facilite grandement le processus de recrutement ».