Sur le plan financier, à elles seules, elles représenteraient selon l'institut IRI pas moins de 4,7 milliards d'euros de pertes pour la grande distribution. Selon nos estimations, chaque jour, selon la taille du magasin, celui-ci peut perdre de 5000 à 15 000€ de chiffres d'affaires en raison de ces ruptures.
Sur le plan de l'expérience client et leur fidélisation, les conséquences sont imperceptibles, mais cela entache sérieusement la perception d'un client vis-à-vis d'une enseigne. Selon des études, 1 produit sur 8 n'est pas trouvé par le client lorsqu'il fait ses courses, l'obligeant ainsi à trouver un produit de remplacement. C'est d'ailleurs le cas aussi bien en magasin, que sur les sites ecommerce.
Dans cet article, nous allons revenir sur les causes des ruptures en rayon et sur les solutions pour les éviter.
Les conséquences des ruptures en rayon
Forcément, compte tenu des enjeux financiers, tout l'enjeu des enseignes est de pouvoir prévenir au maximum les ruptures en rayons et de mettre en place les mesures nécessaires pour en modérer l'impact de ce manque à gagner et optimiser les performances des rayons.
Voici un résumé des conséquences des ruptures en rayon :
- perte de chiffres d'affaires
- affaiblissement de l'image de l'enseigne
- dé-fidélisation
- pertes d'autres ventes
- manque de fiabilité des statistiques de ventes
Attention aussi aux ruptures visuelles : elles sont les plus cruelles, car on ne les voit pas. Le produit est bien en rayon, soit en casquette, soit dans le fond de l'étagère, ou caché par un autre produit. Le client ne le voit pas et conclut que le produit est indisponible. Sauf que pour l'ordinateur, il en reste, donc ne commande pas. Si l'employé en rayon ne le constate pas, la situation peut durer très longtemps.
Les causes des ruptures en rayon
La disponibilité d'un produit en rayon est soumise à plusieurs vecteurs. Plusieurs causes peuvent en être à l'origine.
- le potentiel de la promotion mal évaluée : en fonction de la place prévue pour mettre en avant les promotions, allée centrale ou tête de gondole, les ventes peuvent passer du simple au quadruple, voire bien plus.
- une météo changeante : passant du chaud au froid, cela a conséquences directes sur les décisions d'achat des consommateurs
- une mauvaise manipulation lors de la saisie des commandes : un zéro de plus ou de moins peuvent tout changer et les erreurs de saisie sont courantes
- l'aspect humain : l'absentéisme, un arrêt-maladie, le non-remplacement lors de congés sont des causes souvent difficiles à résoudre. Par manque de bras et faute de remplacement, le travail des équipes sur le terrain s'en retrouve affectés.
- des négociations commerciales en suspendu : faute d'accord commercial entre un industriel et une enseigne, cette dernière peut suspendre la livraison de produits et donc affecter directement les magasins
- un manque de réactivité des fournisseurs directs : souvent lors d'implantation de nouveaux fournisseurs locaux, avec qui les magasins passent en direct, les délais de livraison peuvent dépasser plus de 30 jours.
- succès d'un nouveau produit mal identifié : parfois un produit, victime de son succès promotionnel, peut faire l'objet de rupture de stock dès son lancement
- un mauvais stock : un produit pas renseigné en casse, car la date est dépassée, un inventaire comportant des erreurs, des produits délottés et identifié par le logiciel de commande, autant d'hypothèses qui expliquent que les stocks varient facilement et peuvent influer lors des prises de commandes pour effectuer le réassort du rayon. Les mauvais stocks informatiques sont la raison de près de la moitié des ruptures en rayon.
- un stock au mauvais endroit : il est possible parfois que les produits sont soit dispatchés sur des palettes voisines et que le personnel en charge du remplissage du rayon n'en ai pas connaissance.
- une fréquentation inhabituelle du magasin : un événement local au succès inattendu, une actualité commerciale mal anticipée, sont des occasions qui peuvent expliquer une hausse brutale de la fréquentation d'un magasin
- des retards de livraison : un camion en panne, du verglas qui immobilise la logistique, une panne informatique... il suffit d'un grain de sable dans la chaîne logistique pour perturber la vie des magasins.
- des produits concernés par des alertes et des rappels : certains produits peuvent faire l'objet de rappels, car suspect pour la santé des consommateurs (suspicion de présence de listeria par exemple)
- une rupture fournisseur : le problème peut provenir aussi de l'industriel lui-même victime d'un problème de livraison de matières premières par exemple
- la démarque inconnue : un produit sort du stock seulement s'il passe en caisse. Si ce dernier termine cassé ou volé, alors le stock peut rapidement être biaisé.
Les solutions pour éviter au maximum les ruptures de stocks
Soigner son assortiment
La gestion de rayon peut se piloter selon la taille de son assortiment. Selon la profondeur choisie, cela confère un large choix aux consommateurs, mais cela implique aussi un manque d'espace en fond de rayon.
Donc, soigner son assortiment consiste dans un premier temps à sortir du cadencier les produits aux rotations très faibles, voire inexistantes. Il s'agit là de gagner de la place en rayon et d'alléger son stock. Le réassort est également simplifié et permet de gagner un précieux temps.
Autre atout, en libérant de l'espace en rayon, cela permet d'allouer plus de place aux produits aux rotations plus fortes. Parfois, un facing de plus peut prévenir le risque de rupture. Pour ce responsable, le constat est sans appel : « les meilleures ventes doivent avoir un grand facing, ça se joue parfois à un facing près selon la taille du magasin ».
Optimiser le merchandising en fonction de la saisonnalité
Certains produits connaissent des fluctuations de ventes importantes selon les mois de l'année : le rayon traiteur avec les salades et les sandwichs par exemple, le rayon des soupes, les chips, entre autres, connaissent des variations très fortes selon que l'on soit en été ou en hiver.
Il est donc nécessaire d'adapter les linéaires en fonction des volumes de ventes.
Anticiper les commandes et être vigilant sur les débuts et fin de mois
Selon le caractère périssable des produits, il est nécessaire d'anticiper les commandes pour gagner du temps sur les prochains jours. Cela veut surtout pour les produits secs, un peu moins pour les rayons frais où quelques jours peuvent influer sur la casse potentielle du rayon.
Pour certains habitués à la gestion de rayon, « il faut anticiper les débuts/fins de mois, car les ventes ont tendance à être plus fortes à ces moments du mois ». La raison, certains consommateurs reçoivent leur salaire et en profitent pour réaliser leurs achats.
Anticiper son organisation
Un simple jour férié peut tout changer comme nous le soumet un responsable : « par exemple en novembre et en mai, on doit prévoir le décalage des ventes et des commandes suite aux jours fériés qui s’enchaînent », commente ce manager. Pour cela, il faut s'assurer de revoir ses stocks de sécurité pour pallier à d'éventuels surplus de ventes.
Mettre en place de nouvelles organisations d'équipes
Pour optimiser le travail des équipes, certaines enseignes mettent en place de nouvelles organisations de travail : Carrefour avec le projet Top vise à favoriser l'esprit d'équipe et diviser le travail de mise en rayon en trois étapes : le front, le scan et le back.
Du côté de chez Auchan, c'est le projet Soleil qui est censé améliorer la productivité des équipes.
Soigner les stocks et maitriser les logiciels de commande automatique
La qualité des stocks c'est « le nerf de la guerre », assure ce responsable, « il faut vérifier encore et encore les stocks pour que les commandes soient le plus justes ».
Les logiciels de gestion de commande permettent de jouer sur plusieurs paramètres pour éviter les ruptures : « on peut jouer sur énormément de paramètres : le fond de rayon, le stock réserve, le nombre de jours de stock, stock mini. On peut aussi paramétrer très précisément les semaines de référence pour le calcul des propositions via la saisonnalité », commente ce chef de département.
Bien entendu, il convient aussi d'effectuer les inventaires avec rigueur pour éviter les erreurs de comptages. Certains professionnels optent même pour des inventaires ciblés sur un segment de rayon jusqu'à 2 à 3 fois par semaine.
Avoir du stock sur ses grosses rotations
Cela revêt du bon sens : « avoir du stock sur ses grosses rotations est essentiel pour prévenir d'éventuelles ruptures centrales ou des soucis de livraison ».
Communiquer et assumer ses ruptures
En magasin, il est important d'alléger la déception du client en assumant ces ruptures. Via une communication transparente, le client peut être invité à reporter son choix vers un autre produit. Cela peut même faire de la publicité pour un autre produit.
Promouvoir la polyvalence au sein des équipes
Plus facile à dire qu'à faire. En maximisant la cohésion d'équipe, celles-ci peuvent compléter les besoins de remplissage dès lors qu'il y a des besoins inhabituels au sein du rayon.
Organiser les remplacements pendant les congés
Parallèlement, il convient d'assurer le remplacement des collaborateurs quand ceux-ci s'absentent pour des congés ou d'autres causes personnelles.
Opter pour des solutions technologiques
Les nouvelles technologies sont également une réponse à la détection des ruptures en rayon. Chez Géant Casino, le projet Belive est en cours de déploiement dans les magasins de l'enseigne : « sur le papier, c'est super comme système, mais dans les faits c'est une usine à gaz qui demande énormément de moyens humains », nous a expliqué récemment un manager qui explique que les équipes « passent désormais leur temps à faire du facing ». Même son de cloche avec ce magasin qui nous explique que « le groupe Casino exige maintenant d'avoir 9 jours de stock contre 3 auparavant. Le système est intéressant, mais pour le moment contre-productif », affirme les professionnels qui vivent le système au quotidien. Affaire à suivre.
D'autres enseignes ont opté pour des robots qui détectent les ruptures selon leur passage et alertent les équipes. Carrefour, Auchan testent actuellement ces robots.