De mémoire, on n'est franchement pas certain d'avoir vu autant de difficultés actuelles en termes d'emploi et de recrutement en grande distribution. Le terrain est semé d'embûches et les directions s'arrachent les cheveux au quotidien pour assurer le travail des équipes. Parallèlement, cela suppose un autre problème majeur, celui de la rétention des équipes au bord de l'épuisement.
C'est à la suite de discussions avec les directeurs que ce sujet nous inspire. Loin de nous de remuer le couteau dans la plaie, on cherche aussi à comprendre les raisons qui poussent les professionnels à rester ou à quitter le monde du commerce. Beaucoup de dirigeants, managers comme directeurs, reconnaissent des difficultés sans précédent pour recruter. En cause, la période des 18 derniers mois qui a épuisé bon nombre de salariés et qui rêvent d'un avenir plus serein.
« Oui, beaucoup se sont posés la question », rester ou quitter la grande distribution
La crise sanitaire a fait des dégâts dans le moral des équipes. Et ce n'est pas un euphémisme.
En magasin, beaucoup de professionnels sont au bord de l'épuisement. Comme « l'impression d'être toujours en crise », affirme cette employée, « il y a un avant et un après », confirme une consoeur. Alors forcément, en magasin les questions sur le choix de rester ou non alimentent les débats : « entre collègues, oui, beaucoup se sont posé la question de rester », assure cette employée de rayon. « J'y ai pensé aussi, mais ce que je fais me plait.... Oui, mais la pression de ces deux dernières années ne doit pas pousser à prendre des décisions trop hâtives », explique un confrère, « la période est complexe, mais tout finira par revenir à la normale », espère-t-il.
Pour un autre salarié, la situation est aussi réellement complexe, mais il ne se voyait « pas abandonner les collègues pendant une telle période. Il faut reconnaître qu'on a eu la chance de pouvoir continuer à travailler, de gagner un salaire et d'être utile à la société pendant cette période. Ça vaut encore le coup de tenir », poursuit-il.
Pour ceux qui ont franchi le pas, beaucoup l'ont vécu comme un soulagement sans pour autant reconnaître avoir une meilleure situation aujourd'hui : « il faut avoir conscience que chaque métier a ses avantages et ses inconvénients. C'est vous qui faites que vous êtes bien ou pas dans votre taf, ne croyez pas que l'herbe est plus verte ailleurs », explique-t-elle après avoir choisi un autre secteur d'activité.
Pour expliquer cette tension qui règne actuellement, « les conditions de travail » reviennent souvent au centre des débats. Idem pour les « rapports avec la clientèle, plus tendus qu'avant ».
Le constat est même un peu plus sévère côté managers qui servent souvent « de variables d'ajustement dès lors qu'il faut remplacer un employé absent », nous a récemment expliqué un directeur.
Aux États-Unis, 50% des professionnels prêts à quitter leur emploi
Pour confirmer cette tendance dans le monde du commerce, une étude américaine a récemment rapporté les raisons qui poussent les professionnels des magasins à quitter leur poste. Aux États-Unis aussi, les enseignes ne peuvent que constater les dégâts causés par la crise sanitaire et invitent à repenser l'expérience de travail de cette catégorie de population.
Les raisons qui motivent encore les salariés
Pour ceux qui ont fait le choix de poursuivre dans l'entreprise, la raison principale évoquée n'est pas (ou plus) la rémunération. Le niveau de salaire du secteur ne fait même pas partie des trois principaux facteurs de démission. Ce qui les pousse à rester c'est l'amélioration des conditions de travail dans un contexte où ils sont surmenés et épuisés.
Les raisons qui les poussent à démissionner
Parmi les raisons qui les poussent à démissionner, on retrouve (toujours dans la même étude américaine auprès des professionnels du retail) :
- 63% ont indiqué qu'ils se sentaient épuisés au travail ;
- 53% expliquent un manque d'appréciation de la part de la direction et/ou de leurs pairs ;
- 52% expliquent manquer d'intérêt pour le travail quotidien effectué ;
- 50% déclarent avoir une mauvaise rémunération
Pour leur donner envie de continuer, nombreux réclament :
- 44,2% demandent des horaires plus flexibles ;
- 42,6% réclament plus de reconnaissance dans le travail ;
- 42% souhaitent des relations plus positives au travail.
Pour compléter, les professionnels évoquent également le besoin de sortir de temps en temps du contexte du magasin. Pour ce chef de rayon, la demande est explicite : « on réclame aussi de pouvoir sortir du magasin et d'aller sur le terrain, d'aller voir nos fournisseurs, d'aller en centrale, d'aller dans des salons. Je pense que c'est important de sortir, et ça, c'est un vrai manque », indique-t-il.
L'autre réalité est dans le besoin de formation. La formation est pour beaucoup un prérequis pour assumer de nouvelles responsabilités et de faire progresser leur carrière. Souvent oubliée, elle est un réel moteur pour fidéliser des collaborateurs : « les difficultés de recrutement rendent incompatible la mise en place de programme de formation », nous a expliqué un directeur de magasin, « une formation monopolise une à deux journées d'absence en magasin. Quel magasin peut aujourd'hui se permettre de se passer d'un ou plusieurs collaborateurs vu qu'on est déjà en tension », s'interroge-t-il.
Dans l'immédiat, le problème semble difficile à solutionner si ce n'est d'optimiser le travail des équipes, les récompenser et améliorer les conditions de travail. Certains adhérents/associés nous ont d'ailleurs récemment confirmé vouloir à court terme « faire en sorte d'améliorer les conditions de travail de ceux qui restent, c'est devenu notre seul levier ».