C'est un petit comité de 33 dirigeants de magasins de toutes enseignes confondues que nous avons réussi à solliciter. À notre « petite » échelle, ils ont ouvertement répondu à nos questions sur la fin potentielle du prospectus et les alternatives Drive-to-Store possibles pour - non pas le remplacer - , mais du tout moins le compléter.
Car oui, la fin du prospectus est probable. Impossible de dire ni quand, ni quelles contraintes seront imposées aux patrons des magasins dans les prochains mois. Dans un podcast, Michel-Édouard Leclerc nous expliquait d'ailleurs que l'enseigne leader en France était prête au cas où la législation changerait.
Pour le moment en France, seulement une poignée de magasins ont osé. Auchan Saint Herblain a figuré parmi les premiers magasins en France à dire stop. Chez E.Leclerc c'est celui de Luçon qui débroussaille le terrain en supprimant le papier de ses communications. Plus récemment, ce sont 250 supermarchés et hypermarchés de l'enseigne Système U qui sont en test depuis le début du mois.
Le prospectus a un lien toujours fort avec les ventes en magasin
Pour préparer le futur de la grande distribution, les magasins n'attendent pas pour prendre les devants. Parmi les adhérents/associés/directeurs sollicités, près de la moitié d'entre eux (48,5%) envisagent ou ont commencé à mettre en place des actions pour communiquer à leur échelle. Ils sont environ un quart (24,2%) à y penser, et 27,3% à attendre qu'on leur impose des mesures.
Car il faut dire que le prospectus a encore un lien avec le magasin. Ce dernier continu à avoir un impact avec le point de vente. Sur les 33 dirigeants sollicités, 54,5% ont reconnu qu'il y avait un lien fort entre la diffusion du papier et le chiffre d'affaires du magasin. Et certains le mesurent précisément.
En estimation de pertes de chiffres d'affaires, les avis divergent selon la localisation ou la catégorie de population. Pour 24,2% des dirigeants sollicités, les pertes de chiffres d'affaires seraient estimées au-delà de 20%. 39,4% estiment une baisse possible entre 10 et 20% du chiffre d'affaires, quand 36,4% estiment cette baisse éventuelle à moins de 10%.
Les patrons de magasins sont pour le moins fatalistes de l'avenir donné au papier, mais tous reconnaissent que ce projet est « dans la logique des choses » (pour 69,7% d'entre eux) et même « une nécessité » pour 15,2%. Seule une poignée (15,2%) considère que la fin du papier est une « fausse bonne idée ».
Pour les dirigeants, l'adaptation est déjà de rigueur pour préparer le commerce de demain. Certains y voient à court terme « une opportunité de faire des économies » et « comme un changement nécessaire pour se réinventer et revenir aux bases du commerce », nous ont précisé deux dirigeants de magasin. D'autres envisagent à court terme des actions similaires à ceux qui ont opté pour un arrêt définitif du papier : « on y pense oui à l'arrêt du prospectus papier à domicile, mais on compte toujours le rendre disponible en magasin », confirme l'un d'eux.
Enfin, un autre dirigeant a tenu à rappeler l'importance de bien communiquer auprès des clients, car « beaucoup pensent que la fin des prospectus signifie aussi l’arrêt des promotions. Or, ce n'est pas le cas bien entendu ».
Drive-to-store : les enseignes misent à fond sur la communication digitale
Pour accompagner cette transition, les magasins ont déjà identifié plusieurs leviers pour communiquer auprès de leurs clients locaux. Les réseaux sociaux, les catalogues en ligne, le SMS ou encore l'Email figurent parmi les outils privilégiés des magasins.
Et qui dit transition, dit progression. C'est ce que nous explique notamment un dirigeant en insistant sur la nécessité d'opérer ce changement « en deux temps. D'abord en mettant en place une alternative et ensuite en basculant tranquillement à 100% sur cette alternative ».
Même constat avec ce dirigeant qui invite à proposer « très progressivement des solutions digitales comme le catalogue en ligne ou le mail », mais en regrettant toutefois que « le seul problème c'est pour les personnes âgées qui n'ont pas internet et qui représentent une forte cible pour le magasin». « Le digital oblige à mettre de côté une génération », regrette aussi un confrère.
Parmi les alternatives privilégiées, les réseaux sociaux figurent en tête de liste. 75% des dirigeants interrogés comptent notamment sur Facebook et Instagram pour communiquer. « Nous relayons régulièrement le prospectus sur Facebook », confirme un dirigeant.
Pour développer leur visibilité, certaines enseignes comme E.Leclerc, Cora et Auchan ont créé des postes de responsable marketing ou de community manager dans de nombreux hypermarchés : « on aimerait recevoir autant de CVs quand on recrute des bouchers », nous avait d'ailleurs confié un directeur de magasin il y a quelques semaines. La demande est extrêmement importante sur ces métiers, mais « encore faut-il réussir à passionner ces jeunes pour les métiers de la grande distribution », ajoute un adhérent.
D'autres magasins font appel à profil expert, des freelances ou des agences selon les moyens alloués.
En second lieu des alternatives, le catalogue en ligne est préféré par 62,5% des dirigeants. Là encore, plusieurs solutions sur le marché existent pour permettre aux clients de consulter l'équivalent du catalogue papier sur leur smartphone.
Suivent ensuite, le SMS et le Email. Les deux outils marketing présentent l'avantage de ne pas être soumis aux algorithmes. Ils sont issus généralement des bases de données liées directement à la carte de fidélité.
On retrouve aussi la publicité digitale (display, Facebook Ads) qui est considérée importante pour 34,4% des dirigeants interrogés. Un chiffre relativement faible finalement qui prouve que le secteur doit encore gagner en maturité sur le domaine de la communication digitale.
Enfin, l'application mobile est citée par seulement 15,6% des interrogés qui ne voient pas en ce levier un outil pertinent pour communiquer auprès de leurs clients. Il faut dire que l'application nécessite deux actions marketing clés : d'une part la promotion, pour générer des téléchargements, et d'autre part le développement de l'usage pour faire revenir régulièrement les utilisateurs sur l'application.
Enquête réalisée auprès de 33 dirigeants d'enseignes. Répartition des profils selon les enseignes ci-après : 33,3% E.Leclerc, 18,2% Système U, 15,2% Intermarché, 12,1% Auchan, Carrefour 6,1% et autres (15%).